Oser l’intimité

Dayne Topkin

Samedi, dans la section débats de La Presse+, M. Frankie Bernèche, professeur de psychologie à Montréal a partagé son opinion sur les relations amoureuses d’aujourd’hui. Il compare notre façon de gérer nos relations à notre manière de consommer. Voici l’introduction de son texte :

Les couples d’aujourd’hui ne sont plus ce qu’ils étaient. On se sépare facilement à la moindre contrainte, alors qu’avant on restait ensemble pour le meilleur et pour le pire.

Dans le temps, quand quelque chose était brisé, on le réparait. Aujourd’hui, on le change. Avant, on ne se quittait pas car on n’osait pas compte tenu de la pression sociale (religion, jugement de la famille, possessions matérielles, argent, enfants, etc.). Mais qui a raison, le vieux couple ou le plus jeune ? Ni un ni l’autre car dans les deux cas, l’intimité est défaillante.

Je suis d’accord avec lui sur le fait que l’intimité est le point faible des relations de toutes les générations. Avant, l’intimité pouvait représenter un mystère car bien des couples vivaient une relation utilitaire ou basée sur un aspect pratique. On a une famille, on l’élève et on reste ensemble pour le bien de cette famille. Combien de couple d’ailleurs a-t-on vu se séparer une fois les enfants partis?

Mais ce qui est particulier aujourd’hui, c’est que malgré cet aspect moins commun des couples qui durent pour des raisons pratiques, plusieurs relations peinent à construire une intimité réelle. Constamment stimulés que nous sommes, on ne porte plus nécessairement attention à la personne qui dort avec nous. J’ai tristement vu de nombreux couples qui vérifient leur téléphone régulièrement au restaurant quand ce n’est pas qu’ils l’ont à la main constamment. J’ai même connu des gens qui se textait au sein même de leur maison…

Quand on met régulièrement un appareil entre nous, comment peut-on espérer développer une réelle intimité? L’intimité sous-entend une connexion affective étroite avec quelqu’un et donc par conséquent implique la confiance et la possibilité de se montrer vulnérable sans peur d’être jugé. Je ne sais pas pour vous mais moi, quelqu’un qui a son téléphone à la main et qui semble plus intéressé par l’écran que par mes propos, ça ne m’inspire pas vraiment à l’ouverture.

L’intimité comprend bien entendu l’aspect nudité mais on peut très bien aussi se mettre à nu au niveau moral. Révéler des pans moins glorieux de sa vie, avouer ses complexes ou ses erreurs, c’est aussi être dans l’intimité. Mais comment le faire si on ne sent pas une réception chez l’autre, une écoute et une empathie?

Le texte publié cette fin de semaine m’a fait beaucoup réfléchir sur les couples qui m’entourent, les couples dont j’ai fait partie, la notion de couple en général. Je ne crois pas que c’était mieux avant et je ne crois pas non plus qu’il y ait une seule formule ou une recette gagnante puisque chaque personne est unique. Je crois toutefois qu’une vision commune d’une relation et d’un niveau d’intimité peut aider à solidifier les liens qui unissent deux personnes amoureuses.

Car au-delà des étincelles du début, des papillons dans le ventre et des grands frissons, quand la lune de miel est terminée, si aucune intimité n’a été réellement établie, il risque fort de rester bien peu de braise pour entretenir la flamme… Et c’est peut-être ce concept-là qui manque et qu’on connait si peu en réalité. Est-on trop habitué à butiner pour choisir son nid et s’y lover? Est-ce que cette stimulation extérieure quasi-permanente propre aux réseaux sociaux est devenu un ennemi de l’amour?

Beaucoup de questions ce matin pour bien peu de réponses… Mais je crois qu’il faut d’abord être conscient de la réalité et analyser le tout pour être en mesure de voir les réflexes nuisibles, les faux pas et les chemins dangereux. Si on avance aveuglément, on risque fort de répéter les mêmes erreurs. Avant toute chose, il faut avoir la volonté de bâtir une relation solide, une intimité valorisante. Et pour cela, il faut se connaître, savoir ses failles et oser les montrer à une personne qui saura les accueillir, sans jugement…

 

Photo Unsplash | Dayne Topkin

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