Comment ça va?

Juan Pablo Rodriguez

Cette fameuse question qui peut paraître anodine mais aussi, qui peut provoquer son lot d’émotions et de trouble intérieur. On la pose plusieurs fois par jour, parfois en coup de vent, par pur réflexe, quand on rencontre quelqu’un, dans une réunion ou par hasard sur la rue. Mais s’attarde-t-on vraiment à la réponse? Prend-on le temps d’entendre et d’intégrer ce qu’on nous réplique? Et nous, révèle-t-on notre état réel ou joue-t-on le jeu en renvoyant un « bien, merci » discret et rapide?

Ça peut sembler bien futile comme sujet mais à l’heure de l’ultra-connexion, j’ai le sentiment qu’on ne s’écoute plus, qu’on n’a plus le temps de prendre le pouls de notre entourage, de nos proches, de ceux qu’on aime et fréquente. Tout va vite et le flot incessant d’informations nous étourdit, ne laissant pas notre cœur faire écho à ce qu’on perçoit. En quelques secondes, on reçoit des messages, des notifications, des courriels et parfois, des appels… Alors, la personne qui est devant nous se trouve démunie, presqu’en compétition avec toutes ces sources de distraction.

Depuis plusieurs mois, quand je suis en présence de quelqu’un, je laisse mon cellulaire dans mon sac ou dans ma poche. Au début, ce fut difficile car je savais que tout un monde virtuel se déroulait à mon insu. Puis, avec le temps, j’ai compris que ce monde n’était pas réel et que ce qui se passait là, ici et maintenant, primait. Que ce que mes yeux voyaient, ce que mes oreilles entendaient, ce que mon nez sentait prévalait sur cet univers parallèle et intangible.

Ce fut un peu comme une détox, comme une purge de ce qui m’avait happé pendant tout ce temps, ce qui avait pris trop de temps et d’énergie dans ma vie. Et maintenant, chaque fois que je suis en présence de quelqu’un, j’y repense. Et si cette personne me parle, cellulaire en main, je m’arrête. Au besoin, je discute de ce sujet et mon interlocuteur prend conscience de cet intrus dans notre échange, de cet objet superflu et inutile.

Alors, prendre le temps de s’intéresser aux autres peut redevenir intéressant, même si aucun émoticône ou GIF n’est là pour teinter la conversation. Les regards, les sourires, le timbre de la voix, les mots, le non-verbal, le senti, tout cela vient construire et nourrir un échange. Et il arrive qu’on lise en l’autre un discours contraire aux mots prononcés. On peut ainsi prendre soin, donner l’opportunité à cette personne d’être soi, de nommer ces émotions refoulées depuis trop longtemps, de retirer la carapace trop lourde sur ses frêles épaules.

Tout cela, c’est le rapport humain, le vrai, celui qui se déroule dans la réalité et non caché derrière un écran. On lit trop souvent des commentaires inappropriés, voire agressifs sur les réseaux sociaux et je ne peux m’empêcher, à chaque fois, de me dire que la personne n’aurait jamais osé tenir de tels propos en personne. Alors, j’ai tendance à tenter d’être moi, peu importe où je suis, dans le vrai comme dans le monde numérique.

On me dit quelques fois que je fais du bien par mes écrits et chaque fois, je me dis que pourtant, je ne fais que dire ce qui me passe par la tête. Mais hier, un ami m’a écrit à ce sujet (bonjour Hugo!) et j’ai pris le temps de me connecter à cela, de sentir ce que ce message me faisait à l’intérieur. Et j’ai pu ainsi saisir la douceur et la sincérité de ce propos. J’ai compris que j’écris justement pour faire du bien, pour démontrer à tout un chacun que nous ne sommes que des humains, pas des sauveurs ni des super-héros. Et qu’au-delà de tout ce brouhaha, il y a des cœurs et des âmes qui vivent des affaires et qui ont besoin, une fois de temps en temps, de se faire dire que c’est normal, que ça va bien aller et que quelqu’un, quelque part, se préoccupe de ce qui se passe. Expliquer l’ordinaire, parler du banal, ça peut être très bénéfique aussi.

 

Photo : Unsplash | Juan Pablo Rodriguez

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