Réalité virtuelle, vraiment?

Sean DuBois

Ce matin, en marchant dans les couloirs souterrains du métro, j’ai vu une femme foncer directement sur moi, cellulaire en main, comme si rien autour d’elle ne pouvait perturber son attention, complètement absorbée par je ne sais trop quelle nouvelle ou quel courriel de son téléphone dit intelligent. Si je n’avais pas bifurqué vivement, elle me frappait de plein fouet. En arrivant dans l’édifice du bureau, l’ascenseur était déjà ouvert donc je me suis empressée d’y entrer. Un homme se tenait directement devant les portes, appareil à la main lui aussi et tout autant avalé par le flot d’information qui défilait sur son écran de portable. J’ai dû le frôler pour parvenir à entrer dans l’ascenseur, il n’a nullement daigné ni lever les yeux ni bouger d’un poil.

Est-ce vraiment là qu’on est rendu? À complètement faire fi du reste de la société car celle, virtuelle, qui capte notre attention est plus importante à nos yeux et prime sur celle qui nous entoure concrètement? Je trouve cela choquant et aberrant de constater à quel point certaines personnes sont devenues complètement droguées à tous ces jeux, fils d’actualités et vidéos cocasses au point d’en oublier le monde dans lequel il existe en réalité.

On voit poindre des retraites sans internet, des désintoxications de virtuel et des thérapies de groupes d’accros au numérique. Je crois qu’on peut dire qu’on ne l’avait pas vraiment vu venir ce phénomène… Et pour moi, il y a une grande marge entre lire les nouvelles sur sa tablette et passer tout son temps sur son téléphone. D’ailleurs, le comportement est très différent entre les utilisations de ces 2 appareils. On sort rarement sa tablette quand on est dans une file d’attente mais regardez à quel vitesse les gens  usent de leur téléphone lorsqu’ils sont dans l’attente de quelque chose. On dirait que la société n’est plus capable d’être autonome et de se contenter d’être tout simplement là.

Hier matin, je devais aller faire des prises de sang (oh joie!) au CLSC. Dans la file, à l’extérieur, en attendant l’ouverture des lieux, je dirais que 75% des gens avaient, malgré le froid, leur appareil en main et de cette part, au moins la moitié jouait à un jeu que je considère insignifiant. Rendue dans la salle d’attente, j’ai remarqué que cette proportion frôlait la totalité. Toute cette masse de gens, rivés sur leur téléphone, complètement déconnecté de la réalité qui les entoure, le dos voûté et le visage bleuté par la lumière de l’écran. Cette constatation m’a coupé l’envie de sortir le mien.

Un échange de regard avec l’infirmière m’a confirmé que je n’étais pas la seule à être désolée de ce phénomène. Quand mon tour est arrivé, elle m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : si vous saviez à quel point on doit répéter les noms car les gens n’entendent même plus, étant trop envoûtés par on ne sait quelle bébelle… Je lui ai souri et lui ai demandé : comment allez-vous aujourd’hui? Et cet échange, réel et humain, de quelques minutes a eu l’effet d’un baume sur nos cœurs car c’est devenu si rare de s’intéresser sincèrement aux gens que l’on croise dans notre quotidien.

Je ne veux pas la mort de ces appareils et moi aussi il m’arrive de m’en servir en attendant mon tour dans une quelconque file mais maintenant, je tente d’y penser deux fois avant de le faire. Et quand les portes du métro s’ouvrent à une station, je lève les yeux, comme un rappel qu’il se passe quelque chose autour de moi, pas seulement dans la réalité virtuelle, pas si réelle que cela…

 

Photo : Unsplash | Sean DuBois

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