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Voir le beau

Erik-Jan Leusink

En ce moment, nous sommes tous anxieux et c’est tout à fait normal. Ce que nous vivons est exceptionnel, hors du commun et complètement inconnu. Se faire forcer à l’isolement, on va se le dire, on ne jasait pas de cela à Noël dans nos plans et résolutions 2020… Mais dans toute situation difficile, il y a du beau, il y a du bon. Ne serait-ce que pour l’environnement, notre planète si malmenée qui souffle un peu ces temps-ci et reprend un rythme plus doux, plus sain. Ou sur l’implantation du télétravail qui, obligé en temps d’isolement, deviendra une norme plus acceptée puisque les gestionnaires réfractaires vont réaliser à quel point ce n’est pas la récréation qu’ils craignaient.

Les gens se parlent et prennent des nouvelles des autres plus que jamais, on pense à nos proches, on s’assure qu’ils vont bien, on fait le tour (virtuel) de notre monde. On pense à de nouveaux modèles, de nouvelles façons de faire, de vivre. On voit le partage et l’entraide abonder et les liens se tisser. L’humain est un être de relation et dans l’adversité, il le redécouvre.

Pour les célibataires, c’est une période de réflexion mais aussi de prise de conscience, sur la solitude, bien sûr, mais aussi sur ce qu’ils désirent profondément d’une relation. Pour les couples, ce peut être une période de rapprochement ou même de retrouvaille. On a bien sûr entendu parler des cas de violence conjugale qui risquent de devenir problématiques avec cet enfermement et ce niveau de stress plus élevé. Soyons attentifs et pensons à ces gens qui auront grandement besoin de nos bras ouverts quand la vie reprendra son cours.

Nos anges gardiens comme le dit notre Premier Ministre que constitue le personnel soignant mais aussi les gens d’entretien, les commis d’épicerie, ceux en entrepôt ou sur la route qui s’assurent que les tablettes se remplissent de denrées; on a besoin de tout ce beau monde pour continuer de fonctionner, même si c’est au strict minimum. Parce que ce minimum prend beaucoup de gens, des perles, des petites lucioles en ce temps sombre.

Espérons qu’après cette crise, on dira encore un merci aussi sincère à la caissière, on aura autant de considération pour l’infirmière, l’éboueur ou le préposé à l’entretien. Le retour à la routine tant attendu devra tout de même nous induire de conserver cette conscience de la fragilité de notre équilibre. Au lieu de chialer sur ce qu’on n’a pas ou sur ce qui ne fonctionne pas comme on pense que ça devrait l’être, j’espère qu’on se sentira tout simplement chanceux de vivre librement, sans confinement ni contrainte. Et pas seulement pour quelques jours…

Dans la vie, tout a un sens, il suffit de se poser la question un peu plus profondément pour comprendre. Prend-on la mesure de nos libertés, est-on lucide concernant notre vulnérabilité, mesure-t-on l’importance de l’art et de l’humain qu’on met de côté au profit de la technologie envahissante?
Les conséquences sur les droits humains et sur les conditions de vie de la situation actuelle sont sans précédent et, bien que temporaires, les mesures prises pour « sauver des vies » nous rappelle que dans certains pays, la démocratie dont nous bénéficions n’est pas aussi limpide. Pour nous, la vie reviendra comme avant alors qu’à certains endroits, des pouvoirs abuseront de la situation pour réprimer encore plus les citoyens.

Apprécions notre vie ici, soyons reconnaissants de ce qui nous entoure. Notre système de santé, notre nature qui explosera sous nos yeux en ce printemps tant attendu, notre richesse morale et culturelle… On a beaucoup et on le voit peu dans notre quotidien surchargé. La vie exige une pause qui nous offre la possibilité de tout voir sous un angle nouveau, frais comme la brise printanière… Profitons-en. Savourons. Apprécions.

Photo : Unsplash | Erik-Jan Leusink

On ne contrôle rien

Tim Goedhart

En ces temps de pandémie, on a tous peur, on a tous un million de questions en tête, on se demande tous si on en fait assez et jusqu’à quand tout ceci durera… La première chose à faire est de comprendre que c’est normal d’être angoissé et perturbé, de ne pas être 100% productif, d’avoir la tête ailleurs. Nous ne sommes pas des robots, c’est humain de ressentir de l’anxiété quand une situation menaçante survient. Et pour ceux qui prennent ça à la légère, je n’ai qu’une chose à dire : si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour nous.

Pour ceux qui se retrouvent en situation financière précaire car les revenus ne rentrent plus que et le frigo se vide, je vous dis : demandez de l’aide. C’est dans des situations comme ça qu’on réalise à quel point on est bien entouré. Si vous êtes à l’aise et pouvez aider, faites-le. Que ce soit un don à un organisme de banque alimentaire ou d’aide aux itinérants, que ce soit en faisant des dons de sang ou via le bénévolat, soyons solidaires.

Et de grâce, respirons par le nez…Il faut arrêter de paniquer et de scruter Facebook pour lire une foule d’informations erronées et de fausses nouvelles. Au nombre de faux remèdes que j’ai vu passer, je serais surement guérie de tous les maux de la terre si tout cela était vrai. Alors svp, cessez de partager des publications « bidons » et concentrez-vous sur le réel, sur les gens, sur le temps présent. Lisez, faites du yoga, allez marcher, profitez-en pour faire votre grand ménage du printemps, le tri de vos vêtements, inscrivez-vous à un cours en ligne, renouez virtuellement avec vos amis… Bref, soyez humain!

Je sais, ça peut avoir l’air moralisateur tout ça mais c’est important qu’on se rappelle ou plutôt qu’on découvre comment réagir à tout ça. Parce qu’on va se le dire, on n’a pas vécu la guerre et ces temps-ci, tout a un petit air de temps de guerre. Les rues sont vides, les gens font des réserves pour se sécuriser à grand coup de papier hygiénique et toute notre routine de vie est chamboulée. On peut en rire mais ça met en lumière cette crainte profonde de l’inconnu, du virus qui nous menace et qui devient un risque concret pour ceux qui ont une santé plus fragile.

On a la chance d’être dans un lieu relativement sécuritaire si on se compare à plusieurs pays ou états désorganisés, notre gouvernement provincial gère la situation de façon exceptionnelle, on demeure un pays riche, on a un système de santé qui couvre tout le monde comparativement au États-Unis… Tout ce qu’on nous demande c’est de rester chez-nous, d’être prudent, de prendre soin de nous et d’attendre que ça passe. Il y a pire comme situation.

C’est le moment pour faire ce qu’on reporte depuis des semaines… Le ménage de l’ordi, le tri des photos de notre téléphone, se remettre à écrire, lire cette fameuse trilogie qu’on trouvait un peu exigeante… La vie nous envoie des messages parfois et pourquoi ne pas voir ici un gros signal de : respirons par le nez et reprenons le contrôle de nos vies. Le virtuel nous permet de rester en contact et de travailler de la maison. Mais ne restons pas collés à nos écrans en permanence. Regardons-nous dans les yeux, reprenons contact avec notre environnement, soyons là, présents, dans le ici et maintenant.

Parce que ce maintenant est exceptionnel et inusité. C’est du jamais vu. C’est une leçon de vie. C’est la morale de la grande histoire de la vie. C’est là pour nous dire : hey, vous pensiez que tout allait bien. Mais tout est éphémère. La santé, les acquis, tout cela est remis en cause. Alors prenons cela au sérieux sans paniquer. Soyons philosophes devant l’évidence : on ne contrôle rien.

Photo : Unsplash | Tim Goedhart