Vivre et laisser vivre

Brooke Cagle

Ces jours-ci, j’ai eu plusieurs discussions avec différentes personnes de mon entourage sur l’image du couple véhiculée par notre société. En effet, à la télé comme dans les romans, on préconise beaucoup le modèle classique des conjoints qui habitent ensemble et font pratiquement tout de concert. Je comprends que pour certaines personnes ça peut en effet être le modèle qui convienne mais il me semble qu’on s’ouvre peu à des tendances différentes.

Je lisais récemment un article qui parlait des couples qui font chambre à part et des bienfaits de cette pratique. L’auteur expliquait que le manque de sommeil usait beaucoup de relation car ça rendait plus irritable. Et on n’a pas besoin d’avoir fait un doctorat en psychologie pour comprendre cet aspect négatif de la cohabitation de proximité absolue. Personnellement, j’ai un sommeil très léger et le ronflement est réellement quelque chose qui nuit à la qualité de mes nuits.

Mais si on pousse l’idée plus loin, sachant que la moitié des couples se séparent et que dans le lot, beaucoup se retrouvent en garde partagée, n’est-il pas plus judicieux de faire maison à part pour garder une part d’ennui, de distance qui amplifie le plaisir de se retrouver? Je suis entourée de parents qui se questionnent sur leur nouveau modèle de couple, après une longue relation qui a pris fin et une nouvelle réalité qui bouscule les conventions. Étrangement, pour certains, il y a une certaine culpabilité à ne plus vouloir à tout prix partager le quotidien avec la nouvelle flamme.

En fait, je ne crois pas qu’il existe un seul modèle et c’est là toute la nouveauté. Pendant des décennies, on nous inculquait le « papa + maman + enfants = maison commune et on n’en parle plus ». Aujourd’hui, est-on encore à l’aise avec cela? On a réussi (non sans peine) à s’ouvrir collectivement aux nouveaux genres, aux iels, aux trans, aux pansexuels et autre forme de sexualité et de définition plus ou moins précise mais on dirait que le modèle du couple demeure rigide.

Un ami m’a récemment avoué du bout des lèvres ne plus avoir envie de cohabiter, qu’il n’avait pas réalisé qu’il avait besoin de sa bulle à ce point. Il part marcher tous les matins avec son chien et de revenir à la maison, tranquille sans que personne ne lui parle lui procure un plaisir fou. Doit-il se sentir coupable, déphasé ou simplement lui-même? J’opte volontiers pour la dernière réponse mais je sens un tiraillement chez-lui qui me semble venir de l’éducation et de ce que la société projette du « couple idéal ».

J’imagine qu’un homosexuel a dû se sentir aussi décalé pendant des années alors que nulle part on montrait des modèles qui lui ressemblaient. Mais pourquoi ressent-on ce besoin de normaliser, de standardiser à tout prix? Pourquoi le « vivre et laisser vivre » est-il si ardu à mettre en application? Je ne parle pas de partager une citation sur son fil Facebook sans se remettre en question. Je parle de le ressentir quand on rencontre des gens qui ont choisi de sortir du moule, de les accepter, de tenter de les comprendre et de même, parfois, se brasser la cage et se projeter dans ce nouveau style et se demander si cela est possible pour nous.

Tout le monde n’est pas fait pour vivre seul et grand bien fasse aux couples heureux de cohabiter et partager 100% de leur quotidien. Mais j’aimerais juste qu’on accepte que chacun a le droit à sa façon d’être, de vivre et de penser dans l’optique où ça ne nuit pas aux autres et que c’est fait de manière saine et assumée.

La pandémie nous a donné un temps d’arrêt et beaucoup se sont remis en question au niveau de leur mode de vie professionnel, du stress et de la surcharge qui s’étaient accumulés depuis trop longtemps. Mais au niveau social, il serait peut-être temps de lâcher du lest un peu aussi non? De se dire basta, on vit comme on l’entend et on ne juge pas les autres qui sont différents? Bref… petite réflexion matinale en ce mardi printanier (oh joie, la lumière et les rayons chauds qui nous chatouillent sont de retour). Bonne semaine!

Photo : Unsplash \ Brooke Cagle

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