Posts published on "avril 2020"

Se donner le droit de se tromper

Milan Popovic

Dans la vie, on fait des choix, on tente des choses, on fait des essais-erreurs. Parce que oui, parfois, il y a des erreurs, des mauvais choix, des élans d’enthousiasme qui s’avèrent erronés. Mais j’ai toujours eu pour mon dire que si on n’essaie pas, on ne sait pas et que c’est dans l’expérimentation qu’on apprend, à se connaître, à comprendre, à se forger.

Se tromper, ce n’est pas un échec. On l’entend souvent des entrepreneurs qui doivent mettre la clé dans la porte. Mais c’est aussi vrai pour plusieurs sphères de la vie. On peut essayer de se transposer dans une situation ou un contexte mais il n’y a rien comme le vrai test pour savoir. Et ces jours-ci, c’est ce que je vis. Une dure prise de conscience, un « reality check » comme on dit. J’ai fait un choix et je me suis trompée. Voilà, c’est nommé.

Est-ce que je vais m’apitoyer sur mon sort? Non. Parce que j’aurais pu rester dans les doutes et les incertitudes si je n’avais pas foncé. Et parce que c’est qui je suis, une fonceuse qui parfois oublie de lever les yeux pour voir où je m’en vais, qui perd parfois le nord mais qui retrouve toujours sa route, grandie malgré quelques éraflures. C’est ce qui me forge, c’est qui je suis et même si ça fait mal par moment, même si j’ai des vertiges devant l’inconnu, je m’accepte, comme je suis. C’est peut-être ça vieillir, continuer de se tromper mais se l’autoriser?

On nous montre que l’erreur ce n’est pas beau et pourtant, c’est dans cela qu’on creuse bien profond en soi pour trouver la force de faire face et de se relever les manches. Quand tout est simple et facile, on stagne, on n’avance pas, on prend pour acquis. Quand tout à coup quelque chose nous arrive, on est déstabilisé. Dans la situation actuelle, on est constamment en adaptation et on doit accepter de changer, de s’ajuster, de se conformer. Pas toujours facile mais nécessaire, inévitable même. Il en va de notre survie.

On parle plus et mieux de santé mentale dans ce contexte hautement anxiogène qu’est ce confinement. On aurait voulu que ça ne dure que quelques jours, que ça passe vite, sans trop de contraintes. Mais la vie avait cette petite surprise pour nous : on est bloqués, obligés de se ressaisir, de réfléchir collectivement. Tout est imparfait, rien n’était planifié, on improvise, on se remet en question, on réfléchit autrement. Il va ressortir du beau de tout cela, j’en suis certaine.

Est-ce qu’on aura des séquelles? Assurément. Mais on aura appris aussi. Le télétravail est tout à coup devenu très possible alors que quelques mois auparavant, nombre de gestionnaires n’y croyaient pas, de peur de perdre le contrôle, si cher à leurs yeux, de leurs ressources si rebelles. Eh bien non, les gens ne sont pas de grands abuseurs du temps et des ressources. Ils fonctionnent, performent même, dans cet écosystème virtuel, fort de la latitude et de la technologie mises à leur disposition.

Les modèles changent, évoluent mais nous aussi. Les petites bibittes que nous sommes dans ce grand système apprennent, ensemble, à mieux agir en société. Ça aussi c’est un gros « reality check » global. On en avait besoin. Les mauvaises habitudes sont scrutées, les soucis nous sautent au visage et on n’a tout à coup plus envie de se voiler la face. On a du temps, pour réfléchir, pour agir, pour se positionner, pour s’ancrer, plus profondément en soi.

Quand on pourra mettre le nez dehors sans stress, on appréciera cette liberté, cet air pur bonifié par des semaines sans pollution, on aimera nos quartiers, on retrouvera nos repères, on savourera les moments avec nos proches, on aimera notre monde intensément, on fera des étincelles. Et peut-être aussi qu’on s’aimera soi-même un peu plus, fier d’être passé au travers cette crise.

Photo : Unsplash | Milan Popovic

S’écouter vraiment

Clem Onojeghuo

Cette période difficile de confinement amène son lot de frustrations et un sentiment généralisé de privation. Privé de liberté, privé de sortie, privé de latitude… On s’enferme chez-soi avec nos mille et unes questions en tête, avec nos craintes, mais aussi avec nos petites bibittes mentales qui se baladaient avec nous bien avant que le méchant virus se pointe le bout du nez.

On lit partout que c’est une occasion de ralentir, de faire le point, de prendre le temps de faire des choses qu’on ne fait jamais (incluant les fameuses tartelettes portugaises). On peut aussi être un peu figé, bloqué par cette anxiété grandissante qui nous envahit. Et quand on continue de travailler, on ne peut pas passer ses journées à faire du pain et le ménage du printemps. À chacun sa situation…

Mais, inévitablement, le hamster se fait aller, hyperactif devant tant d’insécurité et d’inconnu. Et malgré toute cette incertitude, il faut tout de même prendre le temps de ressentir pour ne pas se laisser envahir. Prendre le temps d’entendre ce qui se passe en dedans, ce qui vibre, ce qui crie, ce qui bouge et ce qui s’éteint. Parce que nous ne sortirons pas de cette situation sans aucun impact, sans changement, sans cicatrice ni prise de conscience.

Grand bouleversement? Peut-être pas ou du moins pas pour tous. Mais des déclencheurs, des petites lumières qui s’illuminent ou une sensation de soulagement de réaliser que finalement, tout n’est pas si noir? Possiblement. Parce qu’avant tout cela, on avait déjà des soucis et ceux-ci peuvent nous sembler anodins tout à coup. Aussi, une tergiversation, un dilemme malsain qui persistait pré-crise peut tout à coup s’évaporer de lui-même dans un contexte plus restrictif, amenant un changement de cap, de point de vue, de perspective.

S’écouter vraiment, réellement, sincèrement. Être authentique avec soi-même, être en phase avec ses valeurs profondes, avec ses priorités. Sans tomber dans les grands débats philosophiques, on peut tenter de recentrer sa vie, retrouver un sens à nos actions et concentrer nos énergies sur ce qui nous nourrit.

On parle beaucoup, ces jours-ci, de consommation, d’achat local et d’entraide. Mais on parle peu des excès. Cette période de stress peut en être une de recherche de sens dans l’achat compulsif, dans la boisson, dans la consommation éphémère qui tait l’orage intérieur. Tenter de faire du « bruit » pour éviter d’entendre ce qui bouille en-dedans, c’est facile… Mais ça peut être dommageable car le réveil peut être brutal.

On voit peu le temps passer dans la vie, on se plaint que tout va toujours trop vite et en ce moment, le Québec est sur pause. C’est comme un congé forcé pour plusieurs. Et c’est une opportunité de se tourner vers l’intérieur, vers ce qu’on fuit parfois, vers ce qu’on craint de voir avec une loupe. Parce qu’on accumule autant en dedans que dans nos maisons, parce qu’on aimerait avoir des solutions faciles et rapides, qui demandent peu d’effort et surtout qui ne nous brassent pas trop.

Mais cette pensée magique n’existe pas ou du moins, ne fait pas le travail en profondeur. C’est comme un « Band-Aid », ça masque le bobo mais ça ne guérit pas la source du problème. Alors si on en profitait pour simplement être honnête avec soi-même? Tant qu’à être confiné et privé de liberté de déplacement, pourquoi ne pas exercer un vrai lâcher-prise et s’écouter, vraiment, sincèrement? Sans se mettre de pression de devoir changer à tout prix. Juste s’entendre soi-même. Me semble qu’on en sortirait grandi et plus apaisé…

Photo : Unsplash | Clem Onojeghuo