Quand le pouvoir rend fou

MARK ADRIANE

Ce matin, difficile de ne pas en parler, de ne pas y penser, de l’éviter : le sujet est partout. Les agressions sont dénoncées, les victimes lèvent le voile sur leur secret trop longtemps gardé, la masse est troublante et dérangeante. Mais tout ce brouhaha est nécessaire, utile, salvateur, formateur. Car pour comprendre pourquoi ça perdure, il faut savoir, il faut nommer, il faut oser dénoncer.

J’ai lu des commentaires de toute sorte sur les réseaux sociaux et certains se plaignent du traitement violent que subissent messieurs Salvail et Rozon, sachant que beaucoup d’agresseurs moins connus sévissent en coulisse. Oui, c’est vrai qu’il n’y a pas qu’eux mais quand on se place dans une position de pouvoir aussi intense, quand on se pavane sur la place publique sans gêne en se croyant invincible, quand on se vante d’être au sommet, on dégringole sous les yeux de tous.

Tout agresseur se vaut en ce sens qu’il devrait être dénoncé et puni mais c’est parfois grâce aux histoires plus médiatisées que les victimes de l’ombre vont oser parler. C’est un mal nécessaire cette souffrance collective, ce choc brutal, cette prise de conscience monumentale. Non, ce n’est pas anodin, non ce n’est pas rare, non ce n’est pas exceptionnel. C’est courant, c’est vicieux et c’est présent dans tous les milieux.

Certains hommes déjà assoiffés de contrôle et de reconnaissance se retrouvent en position de pouvoir et perdent le contact avec la réalité, avec la loi, avec les limites de l’acceptable. Le pouvoir et l’argent, ça monte à la tête… Tous les dirigeants ou hommes en position de leadership ne sont pas des agresseurs, attention. Mais si, à la base, il y a un trouble, il risque d’être amplifié avec la position occupée.

Et c’est le cas des femmes aussi, ne l’oublions pas. L’horreur n’est pas réservée aux hommes, au contraire. Des abus de pouvoir, des dépassements de bornes, des comportements inadéquats, il y en a à tous les niveaux, chez tous les humains. Parce que, le dérapage peut survenir chez chaque être humain, qu’on se le dise. Si vous croyez être protégé de cela, être au-dessus de la mêlée, je vous invite à faire un petit examen de conscience. On a tous des choses à se reprocher…

Ne pas venir en aide à quelqu’un qui se fait agresser sous nos yeux, dans le métro, au travail ou ailleurs, c’est aussi participer à cette culture du viol. Cette expression que beaucoup détestent parce qu’elle fait mal et rend honteux est bel et bien pertinente dans notre société. Ce n’est pas que la personne qui se fait mettre la main aux fesses qui la vit, c’est tout le monde autour qui se tait et endure.

Collectivement, on doit se poser des questions, ensemble, on doit décider de changer et de faire cesser ce silence malaisant. Car c’est ensemble que nous sommes plus forts, c’est à plusieurs qu’on peut se défendre, s’affirmer haut et fort et avoir le poids nécessaire pour que l’ignorance cesse.

Certaines femmes connues dénoncent ce matin les comportements inadéquats qu’elles ont subis, témoignent du profond inconfort qui se vit. Mais chaque femme n’a pas le micro ou la plume pour le faire. Et l’éclat, le grand tourment ne doit pas tomber dans l’oubli. On doit poursuivre le combat et ne pas baisser les bras. On doit réfléchir à nos normes sociales, à ce qu’on se souhaite comme climat de vie. Non, c’est non. Mais au-delà de ça, il y a quoi?

 

Photo : Unsplash | MARK ADRIANE

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