L’avantage de vieillir

Jessica Castro

Hier, dans le métro, j’ai vécu une situation un peu cocasse. J’étais bien installée sur mon siège, lisant mon bouquin, sans trop me soucier des gens autour. Il m’arrive parfois d’avoir besoin d’être dans ma bulle, de prendre un petit moment de déconnexion sociale malgré le brouhaha ambiant et le livre se révèle être mon meilleur allié dans ce cas. Donc, je vivais ma vie, tout bonnement, lorsque deux jeunes femmes sont montées dans notre wagon.

Je ne pouvais pas les ignorer pour la simple raison que le niveau sonore de leur conversation ne laissait personne indifférent. Les anglais les auraient qualifiées de loud. Jusque-là, rien de très surprenant me direz-vous, puisque beaucoup de gens parlent fort, que ce soit par besoin d’attention ou mauvaise audition. Mais c’est plutôt le sujet de leur échange qui en laissait plus d’un perplexe et/ou mal à l’aise.

C’est qu’en fait, une des interlocutrices racontait son expérience de stérilet à son amie, dans les moindre détails… En prenant bien soin de prononcer le mot vagin dans toutes ses phrases et jetant un coup d’œil autour pour constater l’effet désiré. Je me suis demandé s’il s’agissait d’un simple jeu de provocation, une façon de taquiner la société, avec toute l’innocence que la jeunesse peut procurer.

Il y avait quelque chose de triste toutefois dans ce moment étrange car la deuxième femme semblait moins confortable dans la situation, moins encline à endurer tous ces regards sur elles. Et ça m’a fait réfléchir sur la notion d’abus, de pouvoir et surtout, de silence. Aucun homme ne faisait partie du noyau, aucune violence n’était apparente mais je sentais tout de même cette crainte de la part de la plus timide. Ce n’est pas toujours le scénario commun qui a lieu.

Et je me suis souvenue à quel point, à l’adolescence ou le début de l’âge adulte, on endure parfois des relations plus ou moins saines car on ne connaît rien de la vie, on ne sait pas trop ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, comment on devrait agir et surtout, on a une peur bleue du jugement, d’être exclus ou ridiculisé. Le manque d’audace est rapidement réprimé chez les jeunes et beaucoup de situations risquées débutent pas un « t’es pas game »…

Assistant à cette joute de domination hier, pendant quelques minutes, j’ai revécu des moments de ma propre jeunesse et c’est en souriant que je me suis dit : je suis contente d’être où je suis, à l’âge que j’ai. Je n’ai pas mal viré comme on dit, je m’en sors bien et aujourd’hui, je ne supporte plus inutilement des gens ou des moments qui ne me conviennent pas. Mais j’ai aussi constaté que je ne retournerais pas à cet âge ingrat où l’inexpérience devient un frein à l’évolution. C’est un peu l’œuf ou la poule, et il faut souvent faire des erreurs pour apprendre.

J’espère que cette jeune femme aura l’occasion de repenser son entourage, qu’elle trouvera des gens qui lui ressemblent et qui l’élèveront à un niveau supérieur au lieu de la rabaisser ou la traîner dans des conditions qui ne lui plaisent pas. L’influence est un fléau si dangereux à cet âge!

J’extrapole sur une situation que je ne connais pas me direz-vous et, effectivement, je n’ai vu que quelques minutes d’une vie. Mais l’instinct et la sensation de malaise qui émanaient ne mentaient pas. Je ne m’en suis pas mêlée car ça n’aurait fait que provoquer le désir de réaction de la jeune femme expressive. J’ai déjà eu cet âge comme on dit, et ça ne fait pas si longtemps, alors je savais que ça n’aurait servi à rien.

Mais ça m’a surtout servi à savourer mon état et mon évolution, et à remarquer les leçons que j’ai retenues. On prend rarement le temps de se déposer pour apprécier notre vie, trop absorbés que nous sommes à voir ce que nous n’avons pas ou ce que nous avons manqué. Pourtant, il y a tant de beau à voir, à constater, tant de félicitations à se donner. Comme quoi, quand on se compare, on peut se consoler…

 

Photo : Unsplash | Jessica Castro

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