Être là

Être présent, de nos jours, est presque devenu une utopie. Quand je dis être présent, je parle d’être vraiment là, mentalement, émotionnellement et je dirais même authentiquement. Sans penser à la liste de choses à faire, aux courriels laissés sans réponse, aux prochaines vacances à organiser ou simplement à autre chose que le présent. Quand on est seul, c’est une chose. C’est à soi qu’on se ment, c’est de soi que l’on se joue. C’est notre propre énergie que l’on gaspille. Mais quand on est en compagnie de quelqu’un, ou d’un groupe, c’est mutuellement qu’on s’entraîne dans le vice bien souvent.

Sortir son téléphone pendant une conversation passe presque inaperçu en cette ère ultra-technologique. On juge cela normal puisque tout s’y trouve : nos agendas, nos listes, nos photos, nos documents, nos vies quoi. Mais vérifier l’heure d’un rendez-vous nous amène souvent à voir une notification et à se laisser happer par le tourbillon sans fin des autres possibilités que le « maintenant ». Et même quand on veut rester détaché, ça nous relance en permanence.

Pour avoir vu si souvent des gens pris de panique dans le métro à l’idée d’avoir oublié ou perdu leur précieux partenaire technologique, je réalise qu’on a un sérieux travail à faire sur cette dépendance. En même temps, c’est souvent le seul lien qu’on a avec beaucoup de gens de notre entourage. Avant, on devait attendre d’être à la maison, après la journée de boulot, pour contacter les amis et la famille. La ligne dure comme on l’appelait demeurait le seul moyen de communication en dehors d’une rencontre en personne ou le courrier qui mettait des jours à arriver.

À la vitesse que les communications se déroulent aujourd’hui, multiples et parallèles dans le monde virtuel, c’est à se demander ce que cette quantité a comme effet sur la qualité. On s’écrit pour rien, on ne s’ennuie plus, on se comprend mal et on doit réparer les morceaux échappés, les erreurs, les non-dits ou les simples « autocorrections » malencontreuses.

On le sait pourtant, rien ne remplacera la vraie présence, le regard, le câlin, le baiser, le toucher, la caresse. Mais est-ce qu’on y accorde encore autant d’importance? Si notre cercle d’amis virtuel devait se concrétiser dans notre horaire de vie, on ne pourrait jamais voir et échanger avec autant de gens. C’est donc pratique de pouvoir garder contact sans réellement être en contact. Alors, faut-il choisir, sélectionner, trier?

Beaucoup de questions sans réponse en ce petit matin pluvieux qui fera grand bien au jardin. C’est peut-être d’ailleurs cette température invitant au cocooning qui m’inspire ces réflexions. Un besoin de lenteur, de véracité, de mettre sur pause cette incessante spirale intense qui nous fait toujours courir plus vite sans approfondir réellement nos relations.

Alors, si vous n’avez pas de plan pour votre week-end, je vous invite à prévoir une rencontre, une vraie. Un souper, un party piscine, un brunch ou un simple café avec quelqu’un qui vous est cher. Et pendant ce temps, laissez votre téléphone dans votre sac, sur vibration. Pas de ding, pas de bip pour vous interrompre. Laissez-vous imprégner du moment, doux et sincère. Vous verrez, c’est presque comme des micro-vacances. Ça fait un bien fou et on en oublie les dizaines de choses qui nous attendent.

Photo : Unsplash | Bewakoof.com Official

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