L’habit ne fait pas le moine

Fernando Brasil

Il y a plusieurs années, quand j’ai commencé à travailler à Montréal, j’enseignais le multimédia dans l’école privée où j’avais moi-même suivi ma formation. J’étais jeune, début vingtaine, et la majorité de mes étudiants étaient plus âgés que moi. Alors, je travaillais d’arrache-pied pour gagner ma crédibilité à leurs yeux et tenter d’offrir le meilleur de moi-même, avec le peu d’expérience que j’avais. Je retransmettais assez bien ce qu’on m’avait inculqué quelques mois auparavant. Mais à l’intérieur de moi, un tourbillon d’angoisse me grugeait car je me sentais comme un imposteur, pas solide du tout.

J’ai enduré ce stress pendant près d’un an, me bâtissant une carapace de plomb pour essayer de ne pas craquer. À l’époque je fumais et je mangeais peu et mal alors ma santé n’était pas à son zénith disons… Ensuite, j’ai été approchée par une petite agence web et j’ai accepté cet emploi pour 2 raisons : une augmentation de salaire (ce qui était inévitable étant donné les conditions lamentables de mon premier emploi) et une réelle expérience dans le domaine que je tentais d’apprendre.

Dans ce nouveau défi, j’y ai rencontré des gens merveilleux qui m’ont accueillie et formée et surtout qui m’ont respectée. J’ai eu un des meilleurs patrons que je pouvais espérer et j’ai construit ma confiance en moi. Je me sentais plus à ma place, plus connectée avec ma vraie nature. J’avais adoré l’enseignement et je sais que j’ai un certain talent pour transmettre des connaissances mais le contexte était beaucoup trop anxiogène pour moi.

Avec les années, j’ai évolué dans mon domaine, j’ai gravi les échelons jusqu’à des postes de gestion assez haut placés dans des sociétés prestigieuses et chaque fois, c’était un nouveau défi, une nouvelle marche à monter. Et à chaque nouveau départ, je m’habillais sur mon 36, en tailleur, pour me donner de l’assurance. Depuis ce poste en enseignement, le tailleur pantalon était associé à cette carapace que je m’étais forgée. Vêtue avec cette image sérieuse et classique, je me sentais protégée.

J’ai réalisé dernièrement que, quand j’ai le choix, je ne porte jamais de tels vêtements. Ce n’est pas ce qui est le plus confortable, on s’entend, mais surtout, ce n’est pas l’image réelle que j’ai envie de projeter. J’ai pourtant une garde-robe plein de ces ensembles assortis mais je les porte rarement.

La raison pour laquelle je parle de cela aujourd’hui, c’est que je crois qu’il est important de se sentir à l’aise dans nos vêtements, peu importe l’occasion. À trop vouloir se fondre dans la masse, on en perd notre propre nature et on projette de nous une image qui est loin de la réalité. Que ce soit un rendez-vous galant ou un entretien d’embauche, je crois qu’il y a un juste milieu entre ce qu’on est et ce qu’on attend de nous.

Ça m’a pris des années à comprendre que, le monde des affaires auquel j’ai tant rêvé dans ma jeunesse et qui était figé dans mon esprit grâce au film « Working Girl », était en réalité bien loin de ce que je désirais vraiment. Quand je me remémore Melanie Griffith qui jouait le jeu de la fausse femme d’affaires, je souris car je rêvais tellement d’avoir moi aussi un grand bureau vitré en haut d’une tour avec une vue sur la grande ville…

Et aujourd’hui, je rêve d’un retour à la terre, de mon potager, de champs et de nature… C’est fou comme on évolue dans la vie et à quel point certains rêves peuvent se révéler de véritables utopies…

Tout ça pour dire que pour être heureux et passer une bonne journée, portez une tenue que vous aimez, qui vous représente et dans laquelle vous vous sentez vous-mêmes. La vie est trop courte pour jouer un personnage et vous aurez plus tendance à sourire si vous vous sentez bien dans vos vêtements. Et comme on le sait, le sourire est contagieux. Ça en prend si peu pour changer le monde parfois…

 

Photo : Unsplash | Fernando Brasil