As-tu deux minutes? As-tu du temps pour qu’on discute de ceci? As-tu un moment en fin de semaine? Peux-tu vérifier ton agenda pour qu’on se planifie un rendez-vous? Le temps prend une place importante dans nos vies, demandant parfois un talent inouï pour jongler avec toutes les obligations et invitations. Et je me demande souvent si on ne s’en met pas un peu trop sur les épaules, voulant plaire à tout un chacun et ne désirant rien manquer.
Avant, je parle de l’ère pré-réseaux sociaux et cellulaire, on avait moins de lien direct avec les gens. Quand on prenait la peine d’appeler quelqu’un, c’est qu’on avait quelque chose d’important à dire ou qu’on voulait prendre des nouvelles. On n’appelait pas sans raison et on se réunissait pour la peine. Les moments de partage ou d’échange étaient moins fréquents mais se révélaient être plus concentrés, servant à se tenir informés des derniers événements, des changements dans la fratrie ou le groupe d’amis.
Aujourd’hui, en un clic, on sait tout. On peut créer des événements Facebook pour se réunir, sans avoir à se parler. On peut envoyer un SMS pour obtenir une réponse instantanée, on possède presque tous des téléphones intelligents mais on s’appelle peu. Le temps est devenu un concept flou car on a l’impression d’être exposé et disponible 24/7. Si on veut des nouvelles de quelqu’un, on va voir son profil Facebook ou Instagram et on sait ce qu’il a mangé pour souper, les endroits qu’il a visités dans les derniers jours et ce qui le préoccupe, selon ses partages.
Le temps revêt un autre visage en 2018, comme si sa valeur avait changé. J’ai connu des couples qui gérait leur horaire de vie grâce à un calendrier Google partagé et des familles ayant un agenda de ministre et jonglant entre les cours des enfants, les repas en famille et les visites d’amis comme si elles pouvaient remporter un prix de meilleure organisation à la fin de l’année. Mais au bout du compte, est-ce que tout ce beau monde est plus heureux, est-ce que tout cela sert vraiment à être plus détendu? J’en doute…
On parle beaucoup de la charge mentale destructrice, souvent chez les mères mais globalement dans les familles, et je me demande si cette façon d’administrer nos vies ne devient pas un problème plutôt qu’une solution. Qu’est-ce que ça ferait si on manquait le party d’anniversaire du 3e cousin, ou si, un dimanche, on décidait de rester en pyjama au lieu d’aller au brunch familial? Et si on décidait plutôt de définir nos priorités personnelles (par individu et/ou par clan) et de prendre chaque décision en fonction de celles-ci?
Ce n’est pas parce qu’on est rejoignable en tout temps, qu’on a accès à tout en 2 secondes et que notre vie est exposée comme jamais qu’il faut systématiquement tout faire, tout accepter, tout tolérer. On ne devrait pas se sentir coupable de ne pas vouloir voir du monde. Notre petite voix intérieure qui nous dit de prendre soin de nous, c’est elle qu’on devrait écouter.
Je trouve qu’on a beaucoup de pression sur les épaules et la comparaison est facile. J’en parle souvent mais la tendance à magnifier, à idéaliser la vie des autres, c’est très malsain et j’entends souvent des gens s’en plaindre. Mais si on cessait de se comparer, de se mettre des impératifs indésirables, de trop vouloir avoir l’air cool, peut-être qu’on se détacherait un peu de toute cette mascarade et qu’on vivrait enfin notre vie, comme bon nous semble.
Prendre son temps, savourer chaque minute d’une belle journée, consacrer son temps à faire ce que l’on aime, avoir le temps de s’aimer, de s’écouter et de vivre, réellement, concrètement, lentement… Ralentir, sortir du tourbillon environnant et se vautrer dans notre petit cocon pour prendre le temps de se connecter, de sentir, de respirer. C’est tout simple, ça ne coûte rien mais ça demande un effort, ça demande d’y penser. Et si, en 2018, on donnait le temps au temps?
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