Un vent de fraîcheur

Yasin Hoşgör

Aujourd’hui, c’est le grand jour, le jour J. Un jour sous le thème de la transformation et du changement. Le genre de journée où tu te lèves, « ben crinquée », et où tu sens que ça sera follement excitant. Ce soir, je change de tête. Depuis une décennie, j’ai les cheveux longs. Mais voilà, ça fait quelques semaines que j’y pense, que je me bats avec ma chevelure qui finit toujours par être remontée en chignon approximatif et j’ai décidé que j’avais envie de modifier mon allure.

Alors, comme je l’ai mentionné dans mon billet de lundi, après avoir constaté dans un groupe de femmes qu’on avait presque toute la même tête, j’ai pris ma décision officielle et mon rendez-vous chez le coiffeur. Comme on dit, au pire, des cheveux, ça repousse! Mais je suis en confiance car mon fidèle ami aux doigts de fée fera des miracles, comme à son habitude. Et je fais partie des gens qui n’ont pas peur, qui aime oser, même brusquer par un changement radical.

J’ai eu à peu près toutes les couleurs de cheveux possibles dans mon jeune temps. J’aimais déstabiliser en arrivant au bureau le lundi matin avec une nouvelle couleur, la saveur du mois comme on disait à cette époque. Ma préférée fût un fuchsia très intense qui tachait tous mes vêtements et draps mais que même la caissière pré-retraitée de mon épicerie adorait. Alors, comme je suis aujourd’hui plus sage, je ne risque rien… Quoi que j’aie zieuté les teintures « Manic Panic » hier à la pharmacie (pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont des teintures véganes aux couleurs criardes, souvent fluos, qui existent depuis longtemps).

On n’a qu’une vie à vivre alors si on se prive de s’amuser, de s’éclater un peu, on risque de finir aigri et frustré en réalisant trop tard qu’on aurait dû savourer et croquer dans la vie à pleines dents. C’est ma philosophie et je l’assume pleinement. J’ai trop longtemps étouffé dans mon carcan pour aujourd’hui me priver de l’exaltation que procure les sauts dans le vide. Chaque jour, on va travailler, on suit un horaire prédéfini, on fait le même trajet, on reste dans nos habitudes. Je ne sais pas pour vous, mais moi, après un certain temps, ça me démange de sortir de ce cadre.

J’ai hâte à ce soir et je suis excitée à l’idée de sortir de chez mon coiffeur avec une toute nouvelle apparence. Bon, je ne passe pas au bistouri mais tout de même. Disons que le contraste sera marqué et j’en suis conscience. Je me suis réveillée ce matin, les cheveux en bataille en me disant justement que c’était mon dernier matin, du moins pour un temps, à avoir cette longue chevelure encombrante.

Je sais, on va me dire que les cheveux courts, ce n’est pas moins de trouble, ça demande de les placer, de les coiffer, au lieu de simplement les rassembler et les attacher. J’en suis pleinement consciente et je suis déjà passée par là, merci. Mais justement, parfois, il faut changer le mal de place, changer de perspective, bouleverser ses habitudes pour se fouetter un peu. C’est peut-être la quarantaine qui approche qui me donne autant envie de nouveauté, mais peu importe.

Je me souviens d’avoir rencontré un voyant l’année du décès de mon père et il m’avait dit qu’un jour, l’envie me prendrait de changer de style, comme un besoin viscéral, comme quelque chose d’inévitable. J’y ai repensé quand j’ai pris ma décision et ça m’a fait sourire. On croit être maître de son destin et décider de sa trajectoire mais peut-être en est-il autrement? Chose certaine, j’ai le tempérament qui me pousse à changer d’eau parfois, pour sortir de mon quotidien et voir la vie autrement. Alors aujourd’hui, je dis oui au vent de fraîcheur que je sentirai particulièrement sur ma nuque dénudée après cette transformation qui me donnera un élan pour la suite des choses…

 

Photo : Unsplash | Yasin Hoşgör

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