La vie d’aujourd’hui va vite et nous permet d’être connecter quasi en permanence avec les autres, virtuellement on s’entend. On n’a jamais eu autant de moyens de communication mais on ne s’est jamais aussi peu vu en personne! C’est tout de même paradoxal… Et je suis loin d’être la première à le constater… Mais chaque fois que je suis dans le métro et que je vois tout le monde sur son mobile, que je marche dans la rue et que je vois toutes ces têtes penchées, je ne peux m’empêcher de trouver cela un peu triste. Et l’ironie du sort : j’écris l’ébauche de ce billet dans le métro, sur le chemin du retour. Optimisation du temps!
Comment peut-on connaître son voisinage si on a constamment le nez collé sur un écran? Comment rencontrer l’âme sœur si on ne lève pas la tête pour croiser le regard de l’autre? C’est rendu à un point tel que lorsque je souris à une personne dans le métro, par politesse, elle doute de mes intentions… Triste constat…
Ayant vécu des années avec un certain trouble anxieux, je n’arrivais pas avant à regarder les gens, à me laisser atteindre par leur regard. Et maintenant que j’en suis capable, notre société est complètement absorbée! J’ai raté mon coup!
Il y a plus d’un an, quelque part à l’hiver 2014, dans le métro, j’ai vécu un de ces moments tout simple mais ô combien marquant… Je prenais, comme à tous les matins, le même wagon de métro pour débarquer devant les escaliers de ma station au centre-ville. Comme à l’habitude, j’entre et je « m’enligne » entre les rangées de bancs, pour éviter d’être « dans le chemin » et d’être bousculée par tout le va-et-vient. En m’installant je constate un beau jeune homme devant moi, que je scrute subtilement en enlevant mon foulard et détachant mon manteau d’hiver.
Un échange de regard, légèrement soutenu… Petit pincement au cœur, petite chaleur… Pas un de ces regard froid qui vous fait dire que certaines personnes le matin peuvent être si désagréables. Non… Un regard chaleureux, sympathique, qui fait rêvasser…
Le métro avance, de station en station… Les gens entrent, on s’entasse et par la force des choses je me rapproche du bel inconnu… J’ai chaud, et pas seulement à cause de mon manteau d’hiver… Les échanges de regard se font plus soutenus… Je remarque des tatous sur ses avant-bras, le livre volumineux qu’il lit, la barbe négligée, l’allure de rebelle repenti… Tout pour plaire à mes yeux.
Un jeune homme entre et s’installe tout près de ma source de rêverie, tête appuyée à la vitre du métro, dans sa bulle. Échange de regard complice dû à l’étrangeté de l’attitude de notre nouveau voisin de wagon… Petit fou rire, grande chaleur, jambe molle (vous voyez le topo).
Je me réjouis que son trajet semble similaire au mien et je me surprends à souhaiter qu’il termine sa course à la même station que moi. Berri-UQAM approche et je me croise les doigts pour qu’il demeure près de moi. Comblée, je constate que, malgré tout le brouhaha autour de moi, Monsieur se tient toujours près de moi. Mais je sens mon cœur battre rapidement car je sais que pour moi, la route se termine dans 3 stations et que je n’ai aucune envie de mettre fin à ce petit jeu fort agréable et stimulant. Une autre station se pointe. Il reste… Ouf!
Mais tout à coup je le vois replacer son manteau, se préparer à sortir… Merde! Il sort la station avant moi. Rendu à destination, il passe devant moi, se retourne et avec le plus beau sourire de l’univers, me dit ces mots tout ce qu’il y a de plus simple : Bonne journée!
J’ai cru que j’allais mourir sur place, me liquéfier, m’évaporer… J’ai réussi à balbutier un Bonne journée avec le sourire le plus niais de tous les temps… Ma journée est demeurée dans ce petit nuage de folie passagère… Et j’ai espéré tous les jours le revoir.
J’ai eu ce bonheur quelques jours plus tard. Même wagon, même endroit… Je ne l’avais pas vu en entrant car il était caché derrière des gens mais rendu à Berri-UQAM, il s’est approché de moi, par derrière… Nos regards se sont croisés à nouveau et nous avons souri comme 2 adolescents maladroits. Et dans ma tête, je me répétais que je devais agir, je ne pouvais pas le laisser partir ainsi et laisser le destin décider de la suite. À quelques secondes de sa sortie, j’ai déniché une carte d’affaires de mon sac et en lui remettant, je lui ai dit : Si jamais tu veux aller prendre un café… Il l’a regardé, m’a souri et est parti en me laissant sur un autre mémorable : Bonne journée!
Sentiment d’évaporation à nouveau… Tremblement, euphorie… Mais qu’est-ce que je venais de faire? J’ai dû prendre quelques minutes pour replacer mes esprits à ma sortie du métro car j’avais l’impression d’avoir fait un geste héroïque! Et pourtant… j’avais simplement pris mon courage à deux mains comme on dit!
Mais je n’ai jamais eu de nouvelles de mon bel inconnu… Jamais revu non plus… Ça m’a déçu un peu mais en même temps, j’ai finalement été fière d’avoir eu l’audace de le faire. Et comme je fais confiance à la vie, je me suis dit que si j’avais à le revoir, la vie s’en chargerait. Et si ce n’est pas le cas, c’est que je ne devais pas le revoir.
Mais si j’avais fait comme tous les autres passagers et que j’avais gardé mon regard sur mon iPhone, mon iPad ou autre… Je n’aurais jamais vécu ce petit moment de plaisir. Garder son esprit ouvert, c’est se donner la chance de vivre de beaux moments, aussi légers et futiles puissent-ils être. Ça fait de beaux souvenirs. Et ça fait de belles histoires à raconter! J
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