Le mirage de nos vies

Ivan Slade

En ce beau petit week-end tout doux de décembre, j’ai pris du temps pour moi, j’ai relaxé, j’ai dormi, j’ai cuisiné, j’ai écouté la voix apaisante de René Homier-Roy à Culture Club, j’ai mangé une bagatelle aux pommes (miam!) et j’ai bouquiné… Des fins de semaine comme celle-là, j’en prendrais plus souvent. Ça fait tellement du bien de pouvoir s’arrêter pour refaire ses énergies et être complètement absorbée par son propre petit bonheur. Égoïste peut-être? Il n’en demeure pas moins qu’une fois de temps en temps, j’ai besoin de ça…

J’ai aussi regardé, dans le confort de mon foyer, le film Le mirage. J’en avais parlé lors de sa sortie en cinéma car l’approche préconisée me plaisait et les féministes aguerries avaient crié haut et fort qu’une certaine scène d’agression était de trop. Vous savez quoi? Moi je pense qu’elle est tout à fait pertinente et calculée. Est-ce que j’ai adoré le film? Non… J’ai trouvé qu’il était prévisible par moment, et qu’il a manqué de profondeur à d’autres mais en général, j’ai trouvé intéressant l’angle masculin sur la foutue tendance à la performance et à la perfection de notre société actuelle.

On parle beaucoup de la souffrance et la dérive vécue par une bonne partie des gens, qui se bourrent de pilules et d’antidépresseurs, comme le rôle de la jolie Julie Perreault qui incarne la femme de Louis Morissette dans ce long métrage. On la sent complètement décalée de sa vie et prise dans un tourbillon de consommation en tout genre qui ne comble jamais le vide intérieur.

Le personnage de Louis Morissette, un homme qui est dans l’excès le plus total, de la consommation de porno, aux milles et uns gadgets et aux cours multiples pour les enfants, qui zieute les popotins féminins à outrance ne semble jamais satisfait de rien. Son ami, joué par Patrice Robitaille, qui en rajoute avec son extracteur à jus qui permet d’avoir le paradis dans un verre de jus d’orange est tout à fait à propos. Cette scène m’a fait beaucoup rire car je la considère comme l’incarnation pure et simple de notre propension à chercher le bonheur dans tellement de choses éphémères au lieu de comprendre que c’est à l’intérieur de nous que l’on doit se concentrer.

Comédie dramatique, c’est un qualificatif que j’ai toujours trouvé un peu étrange mais qui s’applique bien à ce film qui fait sourire mais aussi grincer des dents. La petite vie de banlieue bien rangée avec ses voisins gonflables et ses abus en tout genre est parfaitement calquée ici et fait réaliser que l’équilibre ne tient qu’à un fil. Souvent sur la corde raide, les personnages se révèlent tous un peu superficiels et on sent une détresse dans les bas-fonds de leur vie.

Devrait-on en faire plus dans ce genre pour nous faire prendre conscience de cette vie surfaite qu’on s’impose? Entre les livres de psycho pop, les films de ce genre, les conférences new age et les émissions de télé qui nous bombardent de concepts nouveaux et améliorés pour être plus heureux, je crois qu’on a surtout besoin de moments de calme et de retrait du brouhaha pour se retrouver. Et pas besoin d’aller sur une île déserte pour cela, notre salon est parfois l’endroit idéal pour s’arrêter. Chose certaine, ça fait toujours du bien de se faire mettre en pleine face les incohérences de notre société… Bonne semaine!

 

Photo : Unsplash | Ivan Slade

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