Quand j’étais plus jeune, je me souviens qu’autour de moi, on valorisait beaucoup des études, la maîtrise de la langue française, le développement intellectuel… bref, j’étais entourée de gens brillants qui voulaient que je suive les traces de mes prédécesseurs. On m’a très peu questionnée sur ce que je voulais faire dans la vie et je me souviens de l’orienteur, au secondaire qui, après m’avoir fait passer les fameux tests, m’avait donné comme premier choix l’armée… Et j’avais ri comme jamais. Moi, dans l’armée, êtes-vous fou?
Ceux qui me connaissent savent que j’ai une tête de cochon, un sacré caractère et une grande gueule alors m’imaginer dans l’armée, c’est un peu comme penser à Donald Trump au Mexique : ça ne marche juste pas. Alors à cette époque, habituée aux horaires de mon père dans l’enseignement qui avait ses étés de congé, aimant la langue française et cherchant une voie pas trop troublante, je m’étais convaincue d’aller en enseignement. Arrivée au cégep, j’ai abandonné ma première session car j’ai eu le choc de réaliser que je ne m’étais jamais vraiment demandé ce que je voulais faire de ma vie… Après quelques sessions en sciences humaines (que j’ai beaucoup aimé soit-dit en passant), je n’étais toujours pas décidée…
Alors je suis venue à Montréal, retrouver mon copain de l’époque, qui étudiait dans un domaine complètement nouveau et inconnu de l’époque : le multimédia. Ce fameux mot fourre-tout qui incluait le web, le 3D, les cd-rom (oui, oui, vous avez bien lu), le design et plein de trucs qui n’existent plus aujourd’hui. Et je me souviendrai toujours du jour où je suis allée le rejoindre à cette école privée, dans le laboratoire ou une série d’ordinateur chauffaient la pièce et où Mario, le professeur, m’a invité à rentrer « tant qu’à attendre assise par terre dans le corridor ».
Et j’ai eu la piqure, le déclic : c’est ça que je vais faire dans la vie! Alors, la journée même, je me suis inscrite à ce programme intensif, endetté de plusieurs milliers de dollars en prêts étudiants et j’ai foncé tête première dans ce monde complètement éclaté, encore à ses premiers balbutiements à Montréal. Et je n’ai jamais regretté mon choix.
J’ai eu parfois des moments de doute, d’écœurantite aigue d’être devant un écran pendant de longues heures, de fatigue de rester assise trop longtemps mais malgré tout, j’aime ce domaine qui évolue et qui se transforme à tous les jours. Et je sais pertinemment aujourd’hui que j’aurais été incapable de refaire la même chose de façon redondante dans ma vie. J’ai besoin de cette vitesse, de ce rythme, de cette évolution constante, de cet inconnu, de tout ce chamboulement technologique qui oblige une adaptation régulière. Ça me permet de sentir que je ne stagne pas.
On ne m’a pas présenté cette option à l’école car elle n’existait pas vraiment à l’époque. Mais surtout, on s’est très peu intéressé à qui j’étais, au potentiel que j’avais. Alors si vous avez des enfants, je vous invite à les observer et à déceler les forces et faiblesses, à les questionner sur leurs intérêts, à discuter avec eux sur ce qu’ils aiment, détestent, ce qui les stimule et les rebute.
Parfois, on ne sait pas ce qu’on veut faire, mais on sait ce qu’on ne veut pas. L’élimination est parfois un premier pas vers la connaissance de soi.
Photo : Unsplash | Rayi Christian Wicaksono