Hier, j’ai regardé avec intérêt le documentaire « Société de performance » diffusé par Télé-Québec qui se penche sur le phénomène par lequel l’humain d’aujourd’hui est devenu une véritable microentreprise à qui on demande toujours plus, toujours mieux, et qui est de plus en plus en train de craquer, littéralement.
On a tous dans notre entourage (ou peut-être est-ce même nous) une personne qui un beau matin a flanché, incapable d’aller travailler ou de s’acquitter de ses tâches quotidiennes. Ce sont les cas flagrants, ceux qui ne démentent pas. Mais ce qu’on sait moins, c’est la quantité de gens qui prennent des somnifères et des anxiolytiques pour être « fonctionnels ». Et qui pendant des années penseront être à l’abri de la crise alors qu’elle ne fait que se construire dans un corps anesthésié par les pilules.
Dans ce documentaire, on apprend que 25 % à 50 % des travailleurs canadiens expérimenteront un jour le surmenage et que la dépression gravit les échelons pour, selon les prévisions, se retrouver d’ici 2020 au 2e rang des principales causes d’incapacité à l’échelle mondiale. Ce n’est pas rien…
Mais on fait comme si ce n’était rien! On continue de brûler la chandelle par les 2 bouts, à surconsommer, à se surpasser, à surperformer… Parce qu’il ne suffit plus de suivre le rythme ambiant, il faut être le meilleur, le plus rapide, le plus performant… Être celui qui initie ce rythme, qui mérite la photo sur Instagram et le like sur Facebook…
Et de plus en plus, des gens frappent le mur et s’effondrent, réalisant avec effroi que tous ces efforts ne sont jamais suffisants et que le vide que cela a créé à l’intérieur est troublant et destructeur. À force de trop vouloir être ce que la société reflète comme image idéale, on en oublie d’être soi…
J’ai frappé ce mur plus jeune et je me souviendrai toujours du jour où, dans un ascenseur, j’ai senti le flou qui m’entourait. J’avais de la misère à respirer, je me sentais prise au piège. Et je savais que cette pression, je me l’étais mise moi-même sur les épaules.
Ça m’a pris des années à comprendre et beaucoup de séances de thérapie pour simplement admettre que j’étais complètement déconnectée de mon cœur, de moi-même… Je vivais dans ma tête, à un rythme effréné, j’accumulais les défis, je me taillais une place au dépend de ma santé mentale.
Et hier, en regardant ce documentaire touchant, j’ai compris que beaucoup de gens, encore aujourd’hui et plus que jamais, vivent cette période sombre, sans qu’on soit capable d’en parler adéquatement. Notre société préfère inventer des smart drugs (amplificateurs cognitifs) pour que les gens puissent continuer de courir à leur perte plutôt que d’éduquer nos futurs citoyens à l’importance d’être soi-même et au respect du rythme personnel de chacun.
Les décorations de Noël commencent à envahir les magasins et cette période de réjouissance en est aussi une de surconsommation, de surcharge émotive et de stress. Donnons-nous le droit de vivre ce moment plus simplement, sans dépenser des fortunes en décorations cheap et en nourriture abondante. Misons donc sur les rencontres chaleureuses plutôt que sur le paraître. Peut-être qu’on sortira de cette bulle moins épuisés et plus outillés pour entamer une transformation intérieure qui nous aidera le reste de notre vie. Soyons nous-mêmes, c’est surement le plus beau cadeau qu’on puisse s’offrir…
Photo : Unsplash | Lacie Slezak