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La grande mascarade

Aranxa Esteve

Ce matin, j’ai adoré l’intervention de Vincent Gratton à l’émission Gravel le matin. Période de montées de lait assez massive, il s’est prononcé sur son aversion pour les galas qui imposent à une majorité de gens de défoncer leur maigre budget en éléments superficiels pour aller parader devant leurs pairs.

Je ne veux pas m’étirer sur le sujet de l’intimidation vécue par l’artiste Safia Nolin, je me suis déjà prononcée sur le sujet. Mais dans notre société fière et belle, n’est-on pas capable de passer outre l’habillement d’une personne et l’image qu’elle projette pour s’intéresser à ce qu’elle a à nous offrir, au fond de sa pensée?

Si tout le monde doit toujours être beau, bien mis et propret, personne ne sort du lot et on a l’air d’une bande de moutons. J’aime ça moi ceux qui détonnent et affichent leurs couleurs, qui disent tout haut ce que les autres se chuchotent dans leur salon de peur d’être jugés, ceux qui prennent à gauche quand tout le monde va à droite en rang bien serré…

Dernièrement, je regardais un épisode de la touchante émission Mitsou et Léa qui portait en partie sur une dame qui a, à mon souvenir, 15 enfants. Certains biologiques, d’autres, adoptés. Pour beaucoup, ce sont des enfants ayant des handicaps ou certains retards, des autistes ou des enfants qui, dans leur pays d’origine, n’auraient pas survécu. Et cette dame généreuse et dévouée disait : encore aujourd’hui, beaucoup de gens considèrent les handicapés comme n’étant pas des humains à part entière. Comme s’ils ne valaient pas autant que les gens qualifiés de « normaux » (et voyez ici les guillemets immenses).

Le parallèle peut sembler boiteux mais j’en ai marre de cette norme imposée, de ce moule dans lequel on devrait cadrer de peur d’être critiqué, jugé, catalogué et rejeté. Avec la présence malsaine des réseaux sociaux aujourd’hui, les gens se permettent de vomir sur les autres comme jamais. Ce qui avant se déroulait dans une cour d’école est amplifié par la facilité de se cacher derrière son écran et un faux nom pour déverser son mal-être sur celui ou celle qui ose être authentique et différent.

Je crois qu’on a beaucoup de leçons à tirer de toutes ces situations délicates misent en lumière dernièrement. En tant que peuple, en tant que citoyen, dans quel monde désirons-nous vivre? Comment voulons-nous que nos enfants et nos proches soient reçus dans ce monde qui nous entoure? Voulons-nous que chacun puisse s’exprimer, par des mots autant que par son image, en fonction de ce qu’il est réellement et au plus profond de lui-même ou plutôt qu’il se fonde dans un gabarit préparé d’avance pour éviter toute possibilité de conflit?

Est-ce qu’on désire des petits soldats obéissants dans cette grande mascarade qu’est la vie en société, qui marchent au pas et qui se conforment sans broncher ou si nous ne préférons pas plutôt une sincérité exprimée, une authenticité et une créativité débordantes qui colorent nos vies et ajoutent de la fantaisie? Moi je sais ce que je veux et je suis totalement prête à l’assumer… Et vous?

 

Photo : Unsplash | Aranxa Esteve

Quand le jugement fait mal

Igor Ovsyannykov

Depuis dimanche soir, je me suis retenue d’écrire sur le traitement réservé à la chanteuse Safia Nolin sur les réseaux sociaux. Je tournais ma langue comme on dit, de peur d’exploser inutilement et férocement. Mais si on n’en parle pas et qu’on ne fait pas contrepoids aux vacheries qui déferlent sur Facebook et Twitter, les mauvaises langues auront plus de pouvoir. Le pouvoir sale des mots crus qui s’écrivent sans trop réfléchir derrière un écran et un surnom virtuel…

Mettons une chose au clair en partant : je ne suis pas la plus grande fan finie de Safia Nolin, j’aime sa musique quoique je la trouve un peu déprimante. Mais la qualité de ses textes est indéniable et ce n’est pas parce que ce n’est pas exactement le style de musique que j’écoute dans ma voiture actuellement que je vais dénigrer son travail.

Mais quand je lis Lise Ravary, qui a quand même été rédactrice en chef d’un magazine dit féministe, Châtelaine pour ne pas le nommer, écrit sur Facebook « Si Safia Nolin est une icône féministe, je rends ma carte de membre », désolée mais là, je ne peux plus me retenir. Pas que je considère Mme Ravary comme un référence mais elle a une certaine influence et je trouve son jugement faible et déplacé.

Cette jeune femme au parcours atypique en a bavé pendant longtemps et de tout son cœur nous offre son talent d’auteure et de chanteuse pour nous livrer du vrai, du vécu et de la pureté. Et parce qu’elle a refusé de se déguiser pour aller au Gala qui met en valeur le TALENT, on la juge? On peut peut-être se dire qu’un petit effort aurait été apprécié mais de là à écrire sur Twitter « Faque la découverte de l’année 2016 à l’ADISQ est un gros truc de vidange? », il y a des maudites limites.

Le respect est passé où, bordel? Désolée mes chers amis, mais si on est rendu à juger un artiste sur son linge, on s’en va nulle part! Et c’est drôle car combien d’hommes ont porté des jeans pour aller chercher leur prix depuis des années sans qu’on en fasse un cas? On n’a pas vu les yeux de Jean Leloup alors que les bonnes manières auraient indiqué de retirer son couvre-chef mais ça, ce n’est pas pareil, ein?

Non je n’ai pas trouvé particulièrement chic l’habillement de Safia mais je m’en contre-fiche de ce qu’elle décide de porter, le matin, le midi ou dans un gala! Et à voir les robes parfois outrageuses portées par des artistes, j’aime mieux le t-shirt de Gerry Boulet, grande vedette de notre culture, pour représenter l’industrie musicale en déclin.

Cette jeune artiste débute dans ce métier difficile et je ne suis pas certaine qu’elle ait les moyens de se payer une robe qu’elle ne reportera jamais et qui ne la représente pas du tout. Alors pourquoi aurait-elle fait ce sacrifice? Pour plaire? Ce n’est tout simplement pas dans son style et je la respecte énormément d’avoir eu le courage de s’affirmer, d’être elle-même et de faire fi des conventions guindées et superficielles de cette industrie.

Demandons-nous plutôt comment on peut agir pour sauvegarder notre belle chanson québécoise qui se meurt dans l’océan de streaming pervers au lieu de juger les gens sur un bout de tissu… C’était ma montée de lait de novembre. Je ne suis pas toujours aussi acerbe mais là, y faut ce qu’il faut. Chapeau Safia!

 

Photo : Unsplash | Igor Ovsyannykov