L’art d’être seul et heureux

Clem Onojeghuo

Avez-vous lu l’article de Julie Rambal dans Le Devoir lundi concernant la solitude ? Si ce n’est pas le cas, je vous invite à en prendre connaissance ici. J’ai été très interpellée par ses propos et je les ai, pour une rare fois, relu à trois reprises pour bien en saisir toutes les subtilités. D’emblée, je suis moi-même célibataire et je n’ai pas d’enfant donc je fais partie de cette catégorie de gens qui provoque chez les autres soit de l’envie soit du doute. Une partie des gens, surtout les parents de jeunes enfants, rêvent de ma liberté, de ma légèreté et du temps que j’ai pour moi. Et une autre portion se questionne sur le « pourquoi » je suis seule, comme si la seule situation acceptable était d’être en couple aujourd’hui.

À l’heure où beaucoup passent leur vie dehors pour nourrir leur compte Instagram, Snapchat ou Facebook, s’aventurer en solo dans un restaurant ou une exposition devient une épreuve. Les solitaires semblent condamnés à rester chez eux.

Cet état de fait, je l’ai vécu en voyage comme ici, sentant les regards sur moi quand je décide de m’asseoir seule au comptoir d’un restaurant ou pire, à une table, et que personne n’est attendu. Livre à la main, j’aime ces moments où je suis dans ma bulle au sein de la foule urbaine. Mais je suis aussi très consciente que ça dérange. On n’a qu’à penser au peu d’offre pour voyage en solo et à l’organisation des restaurants pour se rendre compte que tout est calculé pour 2 ou plus…

Et, comme le relate l’auteure de l’article, la technologie et particulièrement les réseaux sociaux ont amené avec eux le sentiment de ne plus jamais être seul, comme si c’était mal de l’être et qu’on n’arrivait plus à ressentir la solitude. Il suffit de faire un petit trajet en métro pour voir à quel point les gens sortent leur téléphone après seulement quelques secondes d’inactivité pour réaliser dans quelle mesure c’est devenu malsain.

Cette peur troublante de manquer quelque chose pousse même certaines personnes à constamment vérifier leur compte Facebook dans l’attente d’une nouvelle, d’un partage ou pire, d’un like sur leur dernière publication. C’est d’ailleurs très triste de constater à quel point la vie de bien des gens se déroule à travers l’écran de leur iPhone, comme si ce filtre confirmait leur vie. Des selfies de vacances aux photos de plats au restaurant, on pollue nos appareils de photos de moments qu’on a à peine pris le temps de vivre.

Et je ne m’inscris pas en faux contre ce phénomène, ayant moi-même parfois envie de partager un moment de vie. Mais comme le dit l’expression : la modération a bien meilleur goût.

Mais revenons à la solitude un peu… Pourquoi est-ce que ça dérange autant ?

Je me souviens d’être partie seule en Guadeloupe il y a quelques années et de m’être fait demandé presque tous les jours où était mon copain, si j’avais vécu une rupture récente et même si je fuyais quelque chose. Quand ça vient de purs inconnus, je vous avoue que c’est particulièrement étrange.

Et pourtant, ce sont souvent les plus beaux voyages car les gens ont plus tendance à nous parler, ils n’ont pas peur de percer la bulle d’un couple ou d’un duo d’amies. On fait des rencontres formidables quand on a l’ouverture et l’esprit libre et on peut vraiment faire ce qui nous plaît, sans compromis.

Finalement, cet article m’a fait apprécier mon état de célibat mais aussi fait réalisé que je me prive parfois de certaines sorties de peur du jugement. Et pourtant, ce jugement est futile et gratuit et ne devrait jamais m’empêcher de faire quoi que ce soit. C’est agréable qu’une lecture provoque ainsi une réflexion et une prise de conscience. C’est d’ailleurs ce que j’adore de ce média journalistique. Cette possibilité de consommer au moment désiré et de pouvoir y retourner pour réfléchir et se positionner.

 

Photo : Unsplash | Clem Onojeghuo

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