Je lisais la chronique de ma préférée ce matin, Josée Blanchette, dans le Devoir. Avec son humour qui lui est propre et cette façon bien à elle de passer des messages au travers des métaphores et des images ludiques, elle nous ramène tout de même à l’essentiel : l’amour. Cet amour qu’on tait trop souvent, qu’on n’ose pas dire, par trop grande pudeur. Parce que dire qu’on aime, c’est ouvrir une petite porte de notre cœur, de notre vulnérabilité.
Elle nous rappelle avec candeur qu’on a la fâcheuse habitude d’attendre la catastrophe pour se prendre dans nos bras, se dire qu’on s’aime fort. Un ami frôle la mort et tout à coup, l’amour déferle comme jamais. Pourquoi la veille, alors que rien ne laissait présager du pire, personne ne sonnait à la porte?
C’est un peu triste de constater à quel point on prend pour acquis nos amis, nos proches, sans prendre la mesure de la fragilité du temps, de la vie. En un battement de cil, tout peut basculer. Et non, ça n’arrive pas qu’aux autres… Dites cela aux familles endeuillées de l’attentat de Québec, aux victimes de tous les actes violents qui font les petites et grandes manchettes, des attaques cardiaques virulentes, des virus au nom imprononçable dont certains ne se remettront jamais. Ça arrive plus souvent et plus proche que l’on pense… Et ensuite on se dit : j’aurais dû lui dire plus souvent que je l’aimais…
On n’apprend jamais en plus… Après une tragédie, on se tient serrés, on se console en groupe, on s’avoue être trop occupés par nos vies respectives pour se voir aussi souvent qu’on le voudrait, on se promet de se donner des nouvelles plus souvent. Puis après quelques semaines, la routine reprend le dessus et on oublie, on revient dans notre moule et on continue, tête baissée, jusqu’au prochain coup dur.
Pourtant, prendre le temps de serrer nos proches dans nos bras, dire je t’aime, sincèrement, ça ne coûte rien, ça ne demande pas d’effort suprême, ça ne fait pas de mal à personne… au contraire. Ça balaie les petits tracas, ça embellit une journée plus difficile, ça relativise.
Je n’ai pas d’explication sur ce phénomène étrange qui nous ramène toujours dans le quotidien et fait oublier les bonnes intentions mais c’est un peu comme les résolutions du début de l’année je présume. C’est rempli de bonne volonté, c’est sincère, mais changer, ça demande de se donner un certain coup de pied au derrière et on n’a pas toujours l’envie assez forte pour le faire.
Mais rappelons-nous toujours que chaque petit pas compte et que c’est à force de persévérance et de prise de conscience qu’on arrive à faire bouger les choses. Remplacer le fameux texto par un appel une fois de temps en temps, pour entendre la voix et se rappeler à quel point elle nous fait du bien, écrire une lettre sur du vrai papier au lieu d’un courriel, se fixer un objectif réaliste comme aller bruncher avec un proche au moins une fois par mois… Rien qui bouleverse le quotidien mais de petits moments qui adoucissent les âmes et qui font du bien.
À force de se faire du bien justement, on y prend goût et on en veut plus. Il faut seulement démarrer la roue, partir le cycle et se donner un élan. Ensuite, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie jamais et ça revient tout seul…
Parce qu’au-delà de nos maisons, nos carrières, notre vie bien rangée et un peu prévisible, ce qui demeure le plus important, ce sont les gens. On entend souvent parler de personnes qui, dans leurs derniers jours, avouent regretter ne pas avoir assez pris de temps pour aimer, pour savourer les moments riches en échanges fraternels. Et si pour une fois, on retenait un peu la leçon?
Photo : Unsplash | Brigitte Tohm