Avoir le temps

Michael Niessl

Sentez-vous que vous avez encore le temps de prendre votre temps? Je veux dire… Êtes-vous constamment à la course avec l’impression que vous n’avez jamais le temps d’accomplir tout ce qu’il y a sur votre liste, comme si quelqu’un s’était amusé à raccourcir les journées dans votre dos? Un genre de lutin du temps qui vous gruge de précieuses minutes?

Quand je regarde dans mon entourage, je constate qu’il y a de nombreuses personnes qui, constamment, parlent de leur manque de temps. C’est devenu un fléau, un sujet de prédilection et un problème collectif. Il est presque devenu la norme d’arriver en retard car tout le monde a toujours mille bonnes raisons de ne pas pouvoir être à l’heure.

Mais en fait, plus je nous regarde aller, et plus je me dis qu’on a perdu quelques notions en cours de route. Loin de moi l’idée de juger, j’ai simplement envie de réfléchir sur ce nouveau phénomène car j’ai l’impression que la solution n’est pas si loin. On n’est pas vraiment victime d’un complot en fait… On s’est simplement laissé embarquer dans un tourbillon et on a un peu perdu le contrôle par moment.

Prenez les réseaux sociaux par exemple. Combien de minutes perdez-vous chaque jour à surfer sur Facebook, sans but précis. J’entends déjà certaines personnes clamer haut et fort que c’est la seule manière qu’ils ont de prendre des nouvelles de leur monde. Mais, entre vous et moi, on sait tous qu’on fait défiler le fil d’actualités sans vraiment prendre des nouvelles de nos proches. Les vidéos de chats sont tellement divertissantes…

Bien entendu, si vous avez 3 enfants, un boulot à 40 heures par semaine et que vous habitez loin de votre travail, je suis d’accord que le temps vous manque un peu. Mais je sais aussi que les médias, la télévision et les réseaux sociaux occupent une place trop importante pour ce que ça nous apporte.

Je n’ai pas envie de tomber dans la nostalgie mielleuse et moraliste mais j’ai quand même le souvenir de ma jeunesse où le seul divertissement « électronique » était le Nintendo installé sur une vieille télévision dans le sous-sol humide… Ça ne donnait pas envie d’y passer des journées entières et je préférais grandement aller me balader à vélo. Mais outre la façon dont on occupait notre temps à cette époque, il y avait aussi la notion de « prendre son temps ». Le rythme général me semblait moins précipité, les gens n’avaient pas le nez rivé sur leur téléphone, il y avait plus de « eye contact », de conscience de la vie qui nous entourait. Et je ne sortirai pas le sempiternel « dans mon temps, c’était mieux… » Mais…

Mais je sens quand même qu’on a perdu quelque chose de précieux et de fort dans cette appréciation du temps qui passe, dans le plaisir de prendre son temps pour effectuer quelque chose, dans le fait qu’on était moins sollicité de toute part. Le désir de se débrancher nous apparait si marginal aujourd’hui que cela démontre à quel point on est engouffré dans ce tourbillon numérique.

Et c’est très paradoxal car je travaille dans ce domaine et que c’est grâce à lui que je vous communique mes pensées tous les jours de la semaine. Mais malgré tout, je sens une contradiction, un sentiment d’imposture dans tout cela.

Je crois toutefois qu’il y a un juste milieu, qu’il n’est pas nécessaire d’aller dans l’extrême de tout quitter ou d’y être constamment connecté. Un équilibre doit être possible pour tirer du plaisir sans se sentir emporté, en perte de contrôle sur sa propre vie, n’ayant pas assez de temps pour participer aux activités qui nous comblent de bonheur et nous apportent un réel bien-être.

Je n’ai pas de solution ni de recette miracle, je ne fais que vous partager mes réflexions sur le sujet, convaincue que je ne suis pas la seule avec ce sentiment d’étrangeté dans le phénomène social qui nous affecte tous. Mais sur ce, je vais aller profiter du soleil un peu, courir au grand air et apprécier chaque minute de cette journée de congé, le plus loin possible de mon écran. Comme quoi je m’assume en tant que contemplative 😉

Bon congé de Pâques!

 

Photo : Unsplash | Michael Niessl

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