Vivre pleinement

Gabby Orcutt

Hier soir, pendant que l’orage se formait dehors et que la pluie tombait allègrement, je m’étais installée dans le salon pour lire les chapitres de mon guide d’étude, suivant religieusement le programme de mon cours de philosophie. À un moment, j’ai cessé ma lecture pour m’observer un peu : j’ai 38 ans et j’étudie à l’université. Pour la majorité d’entre vous, ça peut sembler banal, voir anodin mais pour moi, c’est important.

Depuis que je suis petite, on a pris pour acquis que j’irais à l’université comme mes sœurs. J’avançais dans mon parcours scolaire sans réellement me poser de questions. Le jour où j’ai rencontré un orienteur, au secondaire, il m’a dirigé dans des pistes complètement farfelues et incohérentes et ne m’a pas du tout guidé. J’étais déroutée et je n’avais aucune idée précise de ce qui m’allumait. J’aimais plein de choses mais je changeais constamment d’idée…

Puis, arrivée à Montréal pour terminer mon DEC en vue d’aller faire un BAC en enseignement, j’ai complètement changé de trajectoire pour faire un cours au privé et arriver plus rapidement sur le marché du travail. Les longues années à apprendre de la théorie un peu inutile ne me tentaient pas du tout : je voulais du concret, je voulais avancer plus vite…

Mais malgré ce très bon choix, il me manquait quelque chose. Non pas que j’avais honte de mon parcours mais j’avais l’impression que ce n’était pas suffisant. Oui c’était concret mais presque trop, comme si j’avais tourné les coins ronds, comme si j’avais omis le volet intellectuel du processus d’apprentissage au profit du volet technique et applicable de la matière.

Et après un peu de recul, hier soir, j’ai réalisé à quel point, pendant des années, je ne vivais pas réellement ma vie. J’ai longtemps été dans l’attente, comme si j’étais passive, comme si j’espérais que le bonheur tombe du ciel, que les choses se passent toutes seules, que le changement s’opère par magie autour de moi et à l’intérieur de moi, pour que je sois heureuse.

Alors, naturellement, en travaillant sur moi, j’ai commencé à explorer, à faire plus d’activités, de cours, de projets, pour découvrir un peu mieux ce qui m’allumait, ce qui me stimulait. Car, après l’école, on entre sur le marché du travail et on perd parfois cette habitude de créer ou de s’amuser, sans objectif pécunier. Tout tourne autour du boulot, des responsabilités, du budget, des engagements… Comme si le plaisir n’était plus au programme. Du moins, c’est ce que moi j’avais vécu. Oui, bien sûr, il y avait les 5 à 7 et autres sorties sociales mais je n’avais pas de hobby, pas de passion, pas d’activité qui me nourrissait l’esprit.

Il y a quelques années, j’ai décidé de me remettre au yoga, n’ayant aucune attente autre que celle de bouger un peu. Mais j’y ai découvert beaucoup plus qu’un sport : j’y ai trouvé une philosophie de vie. Ma belle Lise, yogi par excellence, m’a amené lentement mais surement à me reconnecter avec mon corps, à décrocher, à prendre contact avec le moment présent, à écouter mon souffle.

Puis j’ai réintégré la course à pied à ma routine de vie et j’ai commencé à cuisiner de manière plus assidue, prenant conscience que le carburant que je donne à mon corps impacte directement comment je me sens. Et au niveau intellectuel, j’ai décidé de prendre des cours universitaires, pour moi. Un peu comme si j’avais besoin de me confirmer que j’étais apte à le faire, que ce n’est pas parce que j’avais écarté le BAC à l’époque que je n’en étais pas capable…

Et aujourd’hui, après tous ces changements, ces choix de vie, je suis heureuse et fière de ce que j’ai pu accomplir. Je sais que je ne suis pas parfaite mais je sais que je suis capable d’entreprendre tout ce que je désire. Je ne dois pas attendre, je dois embrasser la vie et faire ce qui me plait, m’écouter et avancer. Car c’est en explorant ainsi, en expérimentant, que j’apprends le plus à me connaitre et que je me découvre de nouvelles facultés. Et je crois sincèrement qu’on doit constamment garder actif notre cerveau autant que notre corps, et en quelque sorte, retrouver notre cœur d’enfant, pour s’amuser, tout simplement.

 

Photo : Unsplash | Gabby Orcutt

Related Posts

Erik Dungan Vivre et laisser vivre 21 juillet 2017
Sharon McCutcheon Savoir cultiver ses rêves 16 août 2018