L’âme vraie

Andreas Selter

Parfois on croit savoir, on croit comprendre, on croit ressentir. Puis, la vie fait en sorte que l’on réalise qu’on s’est trompé, qu’on a mal évalué, interprété ou jugé un événement, une situation, une personne ou un texte. C’est humain de se tromper, c’est normal. Il faut simplement savoir ajuster le tir, admettre l’erreur et se repositionner.

Il arrive que des gens restent campés dans leur position par orgueil ou gêne et je trouve cela particulièrement triste. Ça s’ajoute au sujet du jeu ou de la game dont j’ai parlé récemment. Quand on n’accepte pas de s’ouvrir à autre chose, d’accueillir la nouveauté dans sa vie, de recevoir et d’accepter la différence ou la divergence, on peut vivre de manière aigrie ou frustrée. Ne pas être authentique, ça se voit aussi dans l’entêtement. Parfois, on se fait une idée et on reste avec cette impression alors qu’elle est fausse.

Aussi, il arrive qu’on soit dans un état qui altère notre jugement et ne pas avouer cela, c’est vivre en quelque sorte dans le déni. Dans le travail comme dans la vie de tous les jours, on est constamment sollicité, interpelé et amené à se faire une tête rapidement sur quelque chose. Quiconque prétend avoir le don de toujours être parfaitement en phase risque fort de vivre une immense déception le jour où il prendra connaissance de la mascarade inconsciente à laquelle il a participé.

Je ne sais pas si c’est naïf de ma part, mais je crois foncièrement en la bonne volonté des gens, en leur bonté, leur ouverture d’esprit, leur faculté à se transposer à la place des autres et surtout à faire appel à leurs émotions. Mais je réalise que pour certains, cela est terriblement effrayant car ça implique par moment de se montrer vulnérable. Hommes et femmes sont souvent tentés de masquer cette fameuse vulnérabilité de peur d’être attaqués dans cette mise à nu, de peur de paraître faibles. Pourtant, à mes yeux, il n’y a rien de plus beau qu’une personne qui ose être vraie.

Être soi-même c’est aussi ça : oser se dévoiler tel que nous sommes, avec nos qualités mais aussi nos défauts, et surtout nos failles. Car on en a tous mais peu osent l’avouer et l’assumer. Ça demande une certaine dose de maturité et d’humilité, une capacité d’autodérision et un sens de l’humour. Pourtant, quand on nous met sous le nez nos travers, il peut être facile de se braquer, voir de fuir.

La fuite sert de protection pour notre égo et notre âme blessée. Mais il faut savoir prendre du recul, relativiser et contextualiser. Parfois, le jugement en révèle plus sur celui qui juge que celui qui est jugé. Et c’est dans cet exercice que la maturité devient primordiale. Elle est nécessaire afin de comprendre et dédramatiser.

Chaque personne arrive dans notre vie avec son histoire, son passé et ses blessures. Certains ont eu si mal, ont été si éclopés émotivement qu’ils trainent une lourde carapace sur eux. Une armure qui semble les protéger mais qui en fait les coupe de la vraie vie, des sentiments et surtout de la possibilité d’être touché émotivement.

Un jour, au début de ma thérapie, ma psy m’a fait lire un livre qui a changé ma vie. Ce bouquin tout simple s’intitulait « le chevalier à l’armure rouillée » et j’en ai déjà parlé ici. Vivre avec une telle cuirasse peut littéralement gâcher la vie de celui ou celle qui doit la porter. Et vivre ainsi dans le déni ou dans l’entêtement revient en quelque sorte à s’imposer un carcan, un moule qui nous rend malheureux car au fond de soi, en général, on sait tout cela. Il faut juste parfois accepter de se connecter, de mettre de côté notre orgueil et vivre enfin ses émotions, sans avoir constamment peur du jugement. Ainsi, on peut enfin accéder à ce qu’il y a de plus beau dans le monde : la vérité de l’âme.

 

Photo : Unsplash | Andreas Selter

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