Posts published on "octobre 2017" — Page 4

Laisser la vie décider

Justin Luebke

Je me demande parfois si on est encore capable de se laisser surprendre, de lâcher prise complètement et se laisser porter, sans tenter de contrôler ou de tout savoir à l’avance. Je dis cela car avec l’accès constant et permanent à tout du bout des doigts grâce à nos fameux téléphones intelligents, on regarde de moins en moins autour de nous, on trouve l’information en 2 clics, on peut voir des photos et même des vidéos immersifs des endroits que l’on va visiter à l’avance, les clichés des plats du restaurant que l’on prévoit essayer prochainement et des extraits du livre que l’on hésite à acheter.

On dirait qu’on n’est plus capable de faire des essais, de faire confiance à son instinct et se lancer dans le vide, faire une découverte sans aucune référence, ni critique de milliers d’inconnus sur Internet. Même choisir un vin requiert une visite sur quelques sites pour lire les propos de divers connaisseurs et amateurs, en plus de l’histoire du vignoble et le parcours de son propriétaire.

Chaque choix semble teinté de l’opinion des autres, chaque décision nécessite une certaine validation. Je suis presque nostalgique du temps où l’on partait « à l’aveugle », sans GPS ni réelle idée de l’endroit où on allait, pas plus sur ce qu’on trouverait au bout de la route. Prendre le temps de déambuler dans les rues et de se laisser porter par la vie, sans appareil en main semble effrayer la plupart des gens. Il n’y a qu’à regarder le malaise dans le métro des gens seuls qui n’ont rien à lire. Le réflexe de la majorité est de sortir le téléphone, simplement pour concentrer son attention sur quelque chose.

L’art de ne rien faire et d’ouvrir son esprit à ce qui nous entoure se perd. L’art d’essayer sans filet aussi. À quand remonte votre dernière surprise, la dernière fois où vous avez laissé la vie ou votre conjoint vous surprendre? J’ai la triste impression que ça fait longtemps, trop longtemps…

L’angoisse de l’inconnu peut en freiner plusieurs et je le conçois tout à fait. Mais si on parle de petits gestes du quotidien, du choix du café ou d’un produit alimentaire, il y a moyen de sortir de sa zone et de changer ses habitudes. J’aime encore, aujourd’hui, flâner dans une librairie et me laisser séduire par la jaquette d’un livre, tout comme j’aime me laisser guider par une odeur pour mon choix de restaurant.

Je me force parfois à partir sans destination tout simplement pour voir ce que la vie mettra sur ma route. Je débarque à une intersection et je choisis seulement la direction. Le reste est inconnu et imprévisible. C’est très grisant de faire ce genre d’expérience et ça donne souvent de superbes expériences.

À force de vouloir tout planifier, tout maîtriser, tout valider, on finit par aseptiser nos vies au point où l’inconnu fait trop peur pour être envisagé ou effleuré. Et quand j’ai pris conscience de cela, j’ai décidé de renverser la vapeur, sur des petits moments, pour des éléments sans grande importance mais qui me permettent de ne pas m’enliser dans le confort.

Se laisser surprendre par des rencontres, par des saveurs, par des regards et des sourires nouveaux, c’est très rafraîchissant. Des fois, c’est un flop total et ça aussi ça fait du bien. Ça confirme nos choix, ça aide à comprendre ce qui nous convient ou pas, ça définit les limites de nos capacités et désirs.

Alors si, cette fin de semaine, vous laissiez quelques heures de votre vie à la merci du hasard, si vous osiez vous laisser surprendre, ça donnerait quoi, ça vous ferait quoi?

 

Photo : Unsplash | Justin Luebke

Tout ça pour ça

Thought Catalog

Depuis un certain moment, j’observe les gens de façon plus assidue, pour comprendre leurs comportements et les crises que chacun de nous peut traverser au fil d’une vie. Que ce soit lié à notre âge, notre position, notre emploi, notre famille ou même notre pays et notre identité, il arrive toujours à certains moments que l’on se remette en question, que l’on bouleverse nos vies, que l’on change de trajectoire. Et en général, ce changement et la remise en question qui le précède sont sains et salvateurs.

Mais des fois, j’ai l’impression qu’on s’en fait beaucoup avec rien. Des petits tracas de la vie peuvent devenir des montagnes, des scénarios catastrophes peuvent être élaborés pour quelque chose qui n’existe même pas, des chicanes surviennent par manque d’écoute et de saine communication et des vies sont brisées par rancune, orgueil ou rancœur mal placée. Et tout cela est très triste car je me dis qu’on aurait avantage à mettre notre petit nombril de côté et à s’écouter plus attentivement, collectivement.

Quand je pense à plusieurs grands bouleversements de société qu’on a vécu, je me dis qu’on devrait apprendre à relativiser. Je répète fréquemment la phrase suivante : on ne sauve pas des vies. Mais au-delà de ça, ou plutôt sous-jacent à ce principe de vie se trouve un concept oublié : on est si peu et si petit dans l’univers. Quand on se met à penser aux famines, aux épidémies, aux séismes, aux migrations forcées, aux génocides… Notre petit problème peut tout à coup nous paraître bien insignifiant.

On dit parfois « quand on se compare on se console » et j’ai tendance à penser qu’on peut toujours trouver pire que soi. Dans le sens qu’il y a toujours quelqu’un qui prendrait notre position, supposément difficile à vivre, demain matin. On peut vivre quelque chose qui nous semble atroce, pénible et injuste mais pour d’autres, ce serait un souci bien moins grave que leur propre malheur quotidien.

Alors quand je vis un moment ou un événement qui me perturbe ou vient brasser mon équilibre, j’essaie toujours de revenir à cette notion. Tout paraît toujours plus vert ailleurs mais on ne connaît jamais la situation réelle des gens. Ce n’est ni la grosse maison, ni le sourire Colgate qui définit une personne. Et la carapace peut être très épaisse pour cacher un mal-être et une souffrance terrible.

J’ai intitulé ce billet « tout ça pour ça » car je me souviens que quelqu’un m’avait dit cela un jour, après que j’aie déversé mon fiel et ma colère face à une situation qui, avec du recul, m’a paru bien anodine. Et je vais toujours me rappeler de ce moment où j’ai pris conscience de l’absurdité de mon état en rapport avec la non-gravité de la chose. Je me souviens surtout que quelques jours après, c’était le 9/11 et le monde allait complètement changer de visage après ces douloureux attentats.

Encore aujourd’hui, quand je vis un petit drame, je me demande toujours si c’est si grave, si réellement, ma vie en sera marquée à jamais. Et la majorité du temps, ce n’est pas le cas, ce n’est pas si pire et je « dépompe » rapidement. Je me recentre, je me calme et je reprends le contrôle de mes émotions pour faire face dignement et avec justesse selon le niveau du problème. J’ai même un code de couleur mental qui me permet de décider de la nécessité de réagir. Car j’ai aussi appris avec le temps que, parfois, on peut laisser couler au lieu de dépenser notre énergie à se battre pour quelque chose qui n’en vaut pas vraiment la peine… Je préfère maintenant accorder mon temps et ma volonté à mon avancement spirituel qu’à entretenir un égo éternellement insatisfait.

 

Photo : Unsplash | Thought Catalog

Accepter nos blessures

HB Mertz

Ces derniers temps, j’ai pris conscience de la richesse que peuvent avoir certaines relations. Peu importe leur nature, celles-ci peuvent concrètement et réellement impacter notre vie, qu’elles soient sporadiques, continues, de longue date ou de courte durée. Je crois sincèrement que c’est au contact des autres, au travers de nos rencontres que l’on se construit et se bonifie, tel un bon vin qui vieillit.

Chaque personne est faite de son bagage, de ses expériences du passé qui ont laissé des marques, plus ou moins profondes, sur son âme. On traîne notre petit baluchon d’histoires qui ont pu, sans nécessairement que l’on s’en rende compte, faire dévier notre trajectoire et influencer nos choix. Parfois, notre vision du monde est teintée et présente même une certaine distorsion en fonction de ce qu’on a vécu.

Et notre parcours influe sur les rencontres que l’on fera. Notre attitude, les gens qu’on attire, tout cela dépend de ce qui s’est passé avant dans notre vie. On peut, bien entendu, travailler sur nous et corriger certaines facettes de notre personnalité pour réparer ce qui est brisé intérieurement mais le fondement même de notre âme demeurera. Et quand on rencontre quelqu’un, c’est aussi la part sombre de nous qui connecte avec l’autre alors il ne faut ni la nier, ni la cacher.

Les plus belles rencontres sont souvent celles où les blessures des deux personnes s’entremêlent et permettent de s’élever et non de s’écraser. Apprendre à travers les blessures des autres, leur expérience et leur manière de gérer le tout, ça permet de voir autrement, d’avoir un autre angle de vue et de dédramatiser son propre mal.

Tout le monde a ses petits bobos à l’âme, tout le monde traîne des boulets mentaux qui nous minent le moral et viennent parfois gâcher des beaux moments, de belles rencontres… Il faut apprendre à les accueillir et éviter de les fuir car ils reviendront toujours. Faire face, accepter, se pardonner, ce sont des étapes qui peuvent être pénibles et nécessiter de l’aide mais qui, au bout du compte, nous permettent d’avancer et de s’aimer, un peu plus à chaque fois.

Dans chaque rencontre que j’ai faite, j’ai eu quelque chose à apprendre, à comprendre. Parfois, c’était un effet miroir pour me montrer des comportements inadéquats que j’avais, d’autres fois, ce sont des liens de cœur qui me démontrent ma capacité à aimer et à être touchée. Je crois qu’il y a toujours un sens à tout et qu’au-delà des gens, il y a plus. Il faut simplement être à l’écoute de ce qui se passe, en nous et autour de nous.

Si on reste seul dans son coin, on tourne en rond dans notre petite zone de confort et on n’est jamais confronté. Quand on s’ouvre aux autres, quand on prend le risque de laisser son cœur être atteint, on peut découvrir tout un monde de sentiments et d’émotions que l’on ne soupçonnait pas. Chaque contact amène son spectre de sensations étant donné qu’à chaque fois, c’est un nouveau mélange d’expériences qui se crée. Comme une recette qui ne contient jamais les mêmes ingrédients, nos rencontres se façonnent et évoluent au rythme de notre âme.

Alors acceptons qui nous sommes, ce qu’on a vécu, ce qu’on a fait comme erreur, ceux qu’on a aimés, qu’on a quittés, qui nous ont blessé ou trahi. Tout cela a servi à nous façonner, à nous montrer la route, à nous prévenir des prochaines blessures. Rien n’arrive pour rien et tout a toujours un sens, même si par moment on a l’impression d’être pris dans un tourbillon sans fin, à ramer sur place. Car même ce torrent doit nous apprendre sur nous et bien souvent, c’est nous-même qui le créons par notre entêtement ou notre fermeture. La vie est si belle quand on apprend à l’accepter et qu’on cesse de vouloir tout contrôler.

 

Photo : Unsplash | HB Mertz

S’offrir la santé

Joanie Simon

Ce matin, Facebook me rappelait qu’il y a un an à peine, je parvenais à faire ma première distance de 5 km de course à pied en continu, et j’oserais même dire, sans trop souffrir. Il y a un peu plus de 12 mois, je décidais de me remettre à la course, je décidais de mettre ma santé au cœur de ma vie, au haut de la liste de mes priorités. Comme plusieurs décisions de ce genre sur mon parcours, c’est un peu sur un coup de tête que je me suis décidée mais aussi par un message du destin.

J’ai déjà raconté l’histoire, celle de l’article qui relatait le chemin sinueux de mon entraîneure qui ne s’enlignait pas du tout pour devenir une marathonienne et qui, elle aussi, a pris une tangente surprenante mais salvatrice. Et je crois qu’il n’y a pas un matin depuis cette rencontre enrichissante où je ne remercie pas la vie de ce choix, de cette opportunité, de ce bouleversement positif de mon existence.

Chaque fois que je suis confrontée au monde médical et qu’on me questionne sur le diagnostic jamais vraiment confirmé de ma maladie de Crohn, je souris car je suis fière d’avoir pris ce virage à 180 degrés qui me permet de ne pas être médicamentée. Je le répète souvent mais je crois fermement que le corps possède la majorité des outils nécessaires pour combattre seul les soucis liés à la santé et que si on choisit et on décide consciemment de prendre soin de soi, on est beaucoup moins malade.

J’entends parfois des gens me dire « ah mais moi, ce n’est pas pareil, j’ai ceci ou cela » ou encore « ah mais je n’ai pas le temps de faire ce que tu fais » … Au risque d’en offusquer certains, je répondrais qu’on a toujours le temps mais qu’on ne le prend pas. Et pourquoi je dis cela ? Car je l’ai fait pendant des années… Choisir de rester assise devant la télévision ou l’ordinateur au lieu d’aller courir ou même marcher, c’est véritablement une décision que l’on prend. Ce n’est pas une contrainte de la vie ni une obligation.

Choisir de manger des frites au lieu des légumes, choisir le cocktail de fruits au lieu du verre d’eau, décider de flâner plutôt que bouger, ce sont tous des choix que l’on fait et qui ont une influence sur notre vie. Quand on prend conscience de cela, quand on mesure l’impact de chacune de nos options, on peut offrir à notre corps et notre esprit le meilleur possible. On peut toujours faire mieux, on peut toujours s’améliorer et quand on le comprend, on peut modifier nos habitudes, un pas à la fois.

Cela signifie aussi qu’on peut pleinement assumer nos actes lorsque l’on décide de mettre de côté les choix santé pour une soirée, qu’on peut se gâter avec un verre de vin de plus, avec un dessert, avec le fromage riche qu’on ne se permettait plus… Et on l’apprécie comme un cadeau de Noël, on le savoure et on en profite. Mais ce n’est pas si difficile que l’on croit de changer nos usages communs, de retirer un aliment fétiche de notre alimentation pour le remplacer par une alternative plus saine.

Mais tout cela revient à ressentir son corps et ses sensations et être connecté aux effets de chaque type de carburant qu’on décide de se donner. On dit souvent qu’on prend soin de notre jardin mais qu’on peine à être aussi attentionné envers nous. Et pourtant, c’est en se soignant et se nourrissant sainement qu’on parvient à se sentir mieux et à pouvoir utiliser notre corps et notre cerveau à son plein potentiel.

Alors, je vous le demande : qu’attend-on pour faire le pas ? Pourquoi n’est-on pas en mesure de tous être au même stade, de refuser les mauvais choix dans notre société et de faire en sorte que l’offre de restauration représente la volonté de tous d’être plus en santé ? Je ne connais personne qui désire souffrir, qui désire être malade ou qui ne veut pas être mieux. Des fois, c’est juste plus facile de ne rien changer… Mais si les choix changent, les habitudes le feront aussi…

 

Photo : Unsplash | Joanie Simon

Avec les yeux du cœur

Remy_Loz

Je ne sais pas pour vous, mais moi j’accorde beaucoup d’importance aux regards des gens. Leurs yeux sont le reflet de leur âme et de leur cœur et on peut y lire la vérité, au-delà des paroles et des gestes. Quand je rencontre des gens pour la première fois, je porte une attention particulièrement à leur façon de regarder et à leur capacité de fixer leur regard dans celui de leur interlocuteur.

Que ce soit des clients ou de simples rencontres personnelles, je suis toujours fascinée quand je tombe sur quelqu’un qui a l’œil fuyant. Quand une telle situation survient, je m’attarde encore plus sur ce trait de personnalité car je tente de comprendre pourquoi. Est-ce une timidité, un malaise dans la situation ou simplement le fait que cette personne n’est jamais en pleine confiance, en pleine possession de ses moyens. Souvent, se sentir intimidé par la personne à qui l’on parle peut avoir un effet négatif sur notre attitude et notre assurance.

Je ne crois pas m’être déjà retrouvée dans une situation où j’étais incapable de regarder les gens. J’ai cette chance d’avoir une aisance en public et j’arrive à observer les gens à qui je m’adresse et à déceler leur position face à mes propos selon leurs réactions physiques. J’ai débuté ma carrière dans l’enseignement et je me souviens que je pouvais, par moment, lire la confusion dans les yeux de mes étudiants alors je reprenais du début, usant de métaphores et d’histoires parfois loufoques pour faire entrer la matière.

Dans l’intimité, je suis particulièrement sensible à cette capacité. Un regard franc me séduira plus qu’une esthétique parfaite. Je n’aime pas que quelqu’un me parle ou m’embrasse sans jamais être capable de me regarder droit dans les yeux. Peut-être que certaines personnes me trouveront exigeantes mais j’ai besoin de lire dans le regard, c’est ainsi. Et d’aussi loin que je me souvienne, ça l’a toujours été.

J’ai rencontré quelqu’un ce week-end qui a cette même habitude, ce même comportement et c’est assez fascinant quand on trouve ainsi son miroir. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’on avait presque les yeux secs à force de se regarder. Mais j’ai l’impression de connaître plus cette personne grâce à cela, plus que certains autres rendez-vous que j’ai eu où il n’y avait pas cette connexion.

Comme le chantait Gerry Boulet, je suis sensible à l’invisible. Car peu importe les mots employés, la posture, les gestes et les promesses, les yeux eux ne pourront jamais berner. On le sent, on le voit quand les paroles ne sont pas ressenties profondément, quand le cerveau tente une manœuvre de diversion. Ça transparait dans le regard, ça perce dans l’iris. À la longue, on finit par pouvoir comprendre ce niveau de communication incontrôlable.

Voir la souffrance, voir l’amour, voir la peine, voir la gêne, voir tous ces sentiments qui sont parfois impossibles à nommer, c’est très touchant. C’est une porte sur un monde sans mots, sans voiles et sans filtres. On ne masque pas ce qu’on ressent dans ses yeux, sauf si on tourne la tête. Et encore…

J’aime les yeux, j’aime le regard, j’aime pouvoir lire et écouter au-delà de la voix. Et je donne en retour la même sincérité, la même fenêtre sur mon âme. Car je crois que c’est ainsi qu’on se lie sincèrement aux gens, qu’on se permet de vérifier si nos esprits peuvent s’entendre, si nos âmes peuvent se plaire. Et je terminerai avec la finale de Gerry :

Dans les yeux des mal-aimés
J’ai vu le soleil briller
Et j’ai laissé mon cœur parler

Photo : Unsplash | Remy_Loz