Vous êtes qui, vous?

Jacob Ufkes

Est-ce qu’on se connait vraiment? Je veux dire, est-ce que, personnellement, on sait clairement qui on est soi-même? Et les autres? Est-ce qu’on s’intéresse sincèrement aux gens qui nous entourent? Ces questions peuvent sembler étranges ce matin mais quand je regarde autour de moi, j’ai par moment l’impression qu’on a perdu la faculté de s’intéresser aux autres, tout comme celle de prendre le temps de se connaître.

On passe notre temps à courir, à faire des listes, à essayer d’accomplir tout ce qu’on a prévu dans une journée. Comme si, plus on en faisait, meilleur on était. Et pourtant, les adeptes du Slow-tout vous le diront : on ne gagne rien à vouloir en faire trop. Ou, je dirais même, qu’on arrive seulement à s’épuiser et à surcharger notre mental.

Je réalise qu’à force d’être bombardée d’information inutile et futile, mon cerveau s’habitue à ne plus accorder de l’importance à ce qu’il reçoit. Comme s’il savait que ce n’était pas pertinent. Le problème, c’est que ça peut devenir un réflexe généralisé, que peu importe ce qui survient, la réaction est la même. On n’a qu’à regarder tous ces gens incapables de passer 2 minutes sans vérifier leur cellulaire pour comprendre que la capacité du cerveau à s’auto-gérer commence sérieusement à être déficiente.

Il faut faire un effort pourtant pour se garder alerte, pour couper les mauvais réflexes, pour cesser de se laisser emporter par le comportement usuel qui prévaut en société. Traîner un bouquin est déjà un bon exercice en soit mais le Jedi des transports en commun sera celui qui restera simplement en contact avec la foule ambiante, sans appareil, sans musique, sans rien qui le replie sur lui-même. Ça semble si banale comme attitude et pourtant on en voit de moins en moins. C’est presque devenu louche…

Mais quand on se concentre toujours sur le virtuel, sur autre chose que le monde qui nous entoure, on finit par ne plus le voir, ne plus l’entendre, ne plus le sentir. Je repense à cette expérience, samedi, au restaurant, en attendant mon amie. Un homme d’une cinquantaine d’années était assis à la table à côté de moi. Il attendait lui aussi l’arrivée de son acolyte. Et j’ai senti toute son impatience, son désarroi devant cette solitude imposée.

Et vous savez ce qu’il m’a dit? Il s’est justifié de ne pas pouvoir utiliser son téléphone puisque sa batterie était morte… Comme si c’était anormal et qu’il devait expliquer pourquoi il ne faisait pas comme tout le monde. Et on ne parle pas ici d’un fameux millénial dont on critique toujours les comportements… On parle d’un homme tout ce qu’il y a de plus standard, probablement avec une belle carrière et une jolie famille heureuse.

Tout le monde est devenu un peu déconnecté du vrai pour être connecté au virtuel. Et j’ai l’impression que l’effet pervers de ça, c’est que notre attention est moins complète quand on est avec notre monde, nos proches, noms amis, notre famille. On sait qu’il se déroule, pendant ce moment, plein de choses dont on n’est pas au courant. C’était pourtant ainsi avant mais on n’avait aucune façon de le savoir sauf d’y être. Alors qu’aujourd’hui, en un clic, on voit tout ça sur Facebook. Et certains en deviennent obsédés…

J’ai un peu peur des fois de ce qu’on va devenir à force de vivre en parallèle de nos vies. Je pense sincèrement qu’il faut se questionner sur nos comportements et faire l’effort de mettre de côté le virtuel pour se connecter au réel, aux vraies personnes que l’on côtoie. Oublier ce que l’on ne voit pas et ouvrir nos yeux et notre cœur sur ce qui est, ici et maintenant. C’est pas mal plus beau, il me semble. Non?

 

Photo : Unsplash | Jacob Ufkes

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