Ces jours-ci, phénomène banal mais oh combien frustrant de la vie moderne : ma machine espresso rend l’âme, tranquillement. Après cinq ans de loyaux services, elle semble être en fin de vie, réclamant sa retraite à grand coup de lenteur et de toussotement. Comme si livrer un café était devenu au-dessus de ses forces. Problème de riche, me direz-vous? En quelque sorte oui, mais je dirais surtout que c’est un enjeu de société que l’obsolescence programmée de nos bébelles.
Cinq ans, c’est si court dans une vie. Si on calcule que je devrais me procurer un nouvel appareil à tous les lustres, et donc disposer de l’ancien, ça en fait des déchets, même s’ils sont récupérés par l’écocentre. Et je ne comprends pas comment on peut concevoir des produits avec une si courte durée de vie. Ce n’est pas comme si j’avais négligé le nettoyage ni fait une utilisation excessive. On peut clairement considérer cela comme un usage normal dans mon cas.
Je parle de cet article de cuisine mais mon four grille-pain a vécu la même tragédie deux ans auparavant et je sens que mon réfrigérateur ne survivra pas au-delà des deux prochaines années. Après la laveuse qui a rendu l’âme l’an dernier, je me sens dans un cycle perpétuel de remplacement. Il n’y a jamais de fin puisque chaque élément de l’écosystème trouve son moment pour mourir.
Je déteste savoir que je vais produire des déchets, même s’ils sont sagement démontés et recyclés, même si on en dispose de la façon la plus louable possible. Ça demeure, au final, un nouvel achat, une consommation excessive d’objets. Je m’ennuie du temps où les réfrigérateurs duraient vingt ans et qu’ils allaient terminer leur vie au chalet ou dans le sous-sol, pour « la bière et la liqueur ». Les vieilles chaînes stéréo qu’on voyait survivre, vestiges d’une époque révolue, les meubles-télévisions qui prenaient la moitié du salon et qui nécessitaient un léger coup de poing sur le dessus pour retrouver leurs ondes d’antan…
Je suis nostalgique et c’est rare, mais je le suis de cette époque où les entreprises se forçaient pour créer pour le long terme, où la fidélité des clients se mesuraient autrement que par le nombre de courriels de colère envers des produits toujours plus fragiles. Je me souviens du premier baladeur qu’on pouvait réparer soi-même, des voitures qui ne comportaient aucune technologie, ou si peu, et que n’importe mécanicien pouvait restaurer et des appareils de cuisine qui se transmettaient de génération en génération, grâce à une qualité de confection exceptionnelle.
Certains me diront que je n’ai qu’à m’en passer, que ce n’est pas primordial dans une vie d’avoir un café au lait tous les matins et ils ont bien raison. Mais ça fait partie de mes petits plaisirs de la vie et on est loin d’un gadget superflu pour faire des boissons gazeuses à la maison. Ça a beau constituer un certain luxe, il me semble que ce n’est pas normal de dépenser quelques centaines de dollars tous les cinq ans parce que le mécanisme n’est pas assez robuste pour perdurer au-delà de ce délai.
C’est un exemple parmi tant d’autres et je suis convaincue que les parents peuvent raconter une panoplie d’histoires de jouets qui se sont brisés prématurément et ont créé beaucoup de peine à leur progéniture. Je n’ai pas la solution mais je me questionne sérieusement sur notre pouvoir, en tant que consommateur, sur ces entreprises qui produisent de plus en plus, avec de moins en moins de souci de qualité. Acheter, c’est voter, dit-on. Alors, pour qui votons-nous dans ce cas?
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