Les vies parallèles

Olivier Lemieux

Avez-vous l’impression d’être moins bon que les autres, plus sensible, moins bien organisé ou moins en forme? Je vous pose la question car, après plusieurs discussions avec des proches, j’ai constaté à quel point on est dur avec nous-mêmes. On dit souvent que telle personne semble gérer mieux sa vie, que telle autre fait plus de sport ou mange mieux que nous… Mais on oublie souvent de creuser un peu, de se demander si cette façade reflète vraiment la réalité et si, malgré notre impression, cette personne est réellement heureuse.

Car, on ne le répètera jamais assez, c’est facile de se construire une carapace, encore plus avec les plateformes Web qui offrent une vitrine magnifiée sur notre vie. On y voit le 10% des moments de bonheur, mais pas les levers difficiles, les crises de larme, les creux, les doutes et les échecs. Et, même avec nos proches, on a plus de facilité à partager ce qui va bien que ce qui a mal été, ce qu’on n’a pas réussi, ce qui mine notre image.

Alors, quand on se dit qu’un tel est tellement chanceux d’avoir ce statut ou ce succès, il faudrait peut-être se demander quels sacrifices il a dû faire pour y arriver, si ça le comble vraiment et si ça correspond réellement à notre définition du bonheur. Ce qui convient à un ne convient pas à tous, je le répète souvent. On est unique et authentique et chacun a ses propres critères, sa propre vision de la vie.

Je crois qu’il faut faire très attention avec la comparaison facile car ça a toujours l’air plus vert dans le jardin du voisin. Et comme dirait un ami, on ne sait pas la quantité de pesticide utilisée pour le garder si vert 😉 Trêve de plaisanterie, on ne connaît ni les batailles, ni le passé des gens alors gardons-nous de juger ou d’admirer sans concrètement connaître les tenants et aboutissants. On pourrait être surpris de voir à quel point derrière une image parfaite se cache un profond mal-être et une vie morne et sans éclat.

C’est un thème qui m’est cher et qui le demeurera toujours, je crois : l’acceptation de soi. C’est le travail d’une vie et ce n’est pas qu’une pente ascendante. Parfois, on recule, comme dans un jeu de serpents et échelles. Mais, dans chaque expérience, on apprend un peu plus, on comprend, on relativise et on remplit notre coffre à outils. Cela nous aide à faire face et à partager avec les autres, pour grandir collectivement.

Quand on nait, on dit souvent qu’on est une partie de notre père et de notre mère mais aussi, on est notre propre mélange, on a notre propre personnalité. Avec notre bagage, on construit notre vie, on trace notre chemin et, avec chaque choix se forgent de nouvelles trajectoires. Alors, non, on ne peut pas examiner deux vies en se demandant laquelle est la meilleure. Car elles sont trop différentes, elles comportent trop de distinctions pour faire l’objet d’un banal exercice de comparaison.

Oui, peut-être que Marie semble mieux organisée mais peut-être qu’elle étouffe dans son carcan et que ça lui sert de béquille pour contrer son anxiété envahissante. Peut-être que Jacques nous paraît être en parfaite santé mais qu’il se jette dans le sport pour éviter de ressentir ses émotions négatives. Peut-être aussi que Julie, la bohème, qui semble si détachée et libre, n’arrive tout simplement pas à entrer en relation avec les autres et préfère butiner plutôt que de montrer sa vulnérabilité… Bref, on ne connaît ni les combats, ni les motivations derrière les faits et gestes des gens, derrière leurs choix et leurs préférences. Alors tentons de vivre notre vie, pour nous, et de laisser les autres vivre la leur, sans jugement ni parallélisme. Car, comme des arbres qui grandissent côte-à-côte, chacun prendra son chemin et trouvera sa source de lumière. Même si, à première vue, ils sont semblables : ils demeurent uniques.

 

Photo : Unsplash | Olivier Lemieux

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