Vivre, un jour à la fois

Sebastián León Prado

Petite matin gris de lenteur. Je sentais les gens irrités dans leur véhicule, en manque de soleil, en manque de printemps. Puis, j’ai remarqué un homme dans sa voiture, la fenêtre ouverte, le bras sorti, la main tenant une cigarette. Et mon cœur s’est arrêté : deux enfants à l’arrière. Je fais peut-être preuve d’intensité, peut-être aurais-je été une vraie mère poule mais pour moi, cigarette et enfants, c’est inacceptable.

Je me suis souvenue de mon enfance, quand la cigarette, la ceinture de sécurité et bien d’autres choses ne nous préoccupaient pas ou si peu. L’innocence et le manque d’informations nous gardaient loin des soucis et des inquiétudes. On vivait sans trop penser au lendemain, aux conséquences de nos gestes, aux dangers, à la possible nocivité des aliments qu’on ingurgitait.

Mais aujourd’hui, on sait. On sait que la cigarette est dommageable, on sait qu’en voiture, la ceinture de sécurité sauve des vies. Mais pourtant, des gens continuent de ne pas se conformer, de ne pas changer leur façon d’agir et de vivre et ils mettent en péril la vie des autres et la leur.

Je suis une personne qui n’aime pas les standards, les marches à suivre. Mais j’ai compris depuis longtemps qu’il existe des règles importantes à respecter. Je ne suis pas un mouton mais, même moi, j’ai cessé de fumer il y a bel lurette et je m’attache en voiture, conductrice comme passagère. Je considère que faire autrement constitue un risque inutile. Aucune montée d’adrénaline si j’enfreins ces règles, seule une insouciance crasse qui risque de me coûter la vie.

Cet incident matinal m’a aussi fait prendre conscience de ma relation avec la santé. Loin d’être parfaite, je tente de faire des choix sains, de m’écouter et de m’adapter aux sensations. Avant, on martelait le message qu’il fallait à tout prix manger trois repas par jour. Plusieurs ont pu constater que chaque humain a son propre métabolisme et ses propres besoins. Personnellement, et ceux qui me connaissent ont pu le voir de leurs yeux, je ne peux pas me passer de déjeuner. Et, presque comme un rituel, j’étire la phase du déjeuner sur plusieurs heures, en plusieurs portions.

J’aime me nourrir sainement, je savoure les fruits et légumes avec un plaisir inouï. Depuis ma tendre enfance, croquer dans un aliment fraichement cueilli m’a toujours fait cet effet revigorant. Et je sais pertinemment que j’ai pu être privilégiée d’avoir accès à un potager dans la cour arrière et ensuite, d’avoir les moyens de m’acheter des aliments frais. Tous n’ont pas cette chance et loin de moi l’idée de juger ceux qui font des choix différents.

Ce matin, je constate, tout simplement. Je comprends ce qui m’arrive, je comprends que le monde change, lentement mais surement. Ça fait du bien des fois de prendre une pause, un certain recul, pour observer où j’en suis. Et quand j’ai été confrontée à cette situation ce matin, j’ai pu mesurer à quel point j’ai progressé.

C’est surement un des avantages de prendre de l’âge que d’avoir plus derrière soi et de pouvoir comparer, constater. Parfois, je n’ai pas envie de regarder derrière car je connais le chemin parcouru et surtout, je me souviens des moments plus sombres que j’ai vécus. Mais ça fait aussi prendre conscience de la route choisie, pour confirmer mes choix et assumer ceux-ci.

Vivre, c’est ça au fond. Avancer, reculer, constater, choisir et surtout, savourer. Savourer les relations humaines, savourer la beauté du monde, savourer ce qu’on est, ce qu’on devient. La vie d’un autre ne nous conviendrait surement pas et c’est parfait ainsi. Chacun son rythme, chacun ses choix, chacun son contexte. Ainsi, sachant cela, on cesse de se comparer, et on avance, un pas à la fois.

 

Photo : Unsplash | Sebastián León Prado

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