Tel un printemps dans nos coeurs

Robert Baker

Depuis toujours, nous avons collé des étiquettes aux gens, nous avons attribué des classes, des qualificatifs, fait des regroupements pas toujours heureux. Que ce soit sur le style vestimentaire, la manière de parler, l’éducation, la culture ou les habitudes de vie, tout y passe. Pourtant, la majorité des gens vous diront qu’ils ne veulent pas être catalogués, classés comme des objets. Mais l’attribution systématique d’étiquette est entrée bien profondément dans l’inconscient collectif alors personne ne semble remettre en cause ce principe.

Pourtant, ça peut marquer longtemps une personne de se faire taxer d’une caractéristique méprisante. On n’a qu’à penser aux railleries des jeunes sur le poids pour se rappeler à quel point l’estime de soi peut être affecté par ce type de jugement. Mais, au-delà des sobriquets de cour d’école, les étiquettes perdurent dans la vie adulte et de façon plus sournoise. Quand on est une femme (et pire si on ne répond pas aux standards que la société tente de nous imposer), on s’expose à une liste interminable de surnom et de commentaire.

Les étiquettes scellent un trait de caractère et en qualifiant quelqu’un, par exemple, de malcommode, on ne fait qu’encourager ce trait de personnalité, comme si on nourrissait la bête. Alors qu’en demandant à la personne si ça va bien, si quelque chose cloche, ça pourrait lui redonner le sourire, et il y a de fortes chances qu’elle réalise son attitude et s’ajuste. Tout est une question d’angle de vue, de choix de mot et d’approche…

Et malheureusement, souvent sans s’en rendre compte, l’étiquette posée se révèle être du dénigrement, quand ce n’est pas cette manière d’intimider en rabaissant les autres pour se sentir supérieur. Pourtant, être différent, s’assumer, s’affirmer, être authentique, ce n’est pas être moins bon. Et j’ai rarement vu quelqu’un être soi-même pour provoquer les autres. Car, bien souvent, être soi, c’est déjà sortir du lot et devoir se battre pour éviter de rentrer dans le rang.

Sans même s’en rendre compte, on s’auto-étiquette aussi. C’est peut-être un comportement plus féminin mais je suis convaincue que bien des hommes s’infligent des étiquettes sans en être conscients. Pourtant, pour progresser, on doit se délester de ces jugements qu’on porte sur nous et sur les autres pour vivre, sereinement, faire notre route, sans se soucier de ce que ça fait résonner chez les autres.

Car, oui, le jugement, les étiquettes, ça parle beaucoup plus de celui qui juge que de celui qui est jugé. Ça démontre les peurs et les faiblesses, les craintes et les troubles qui remontent à la surface. Être face à quelqu’un de réellement authentique, ça confronte à notre propre inertie, à notre incapacité à, nous aussi, incarner notre être. Et ça fait ressortir notre jugement envers nous-mêmes, ça enclenche des mécanismes pas toujours jolis, ça met en lumière nos blocages…

Déjà, de reconnaître qu’on est dur envers soi-même et, par le fait même, envers les autres, c’est avouer ce trait de notre personnalité et démontrer le désir de s’améliorer. Je dis souvent que ce n’est pas en restant enfermer seul chez-soi qu’on évolue, c’est en se mesurant au vrai monde qu’on change. Ça nous sort peut-être de notre zone de confort, c’est sans doute incommodant et possiblement gênant, mais c’est humain, rappelons-le-nous!

On est exigeant envers soi, on voudrait être parfait mais on oublie que personne ne l’est. Alors cessons de se juger, de se critiquer, de s’affubler des étiquettes inutiles et dégradantes. Ça part de soi, à la base, et si chacun y met du sien, je suis convaincue qu’on pourra, ensemble, prendre conscience de l’inutilité de ce processus. Réfléchissons ensemble sur nos travers et arrêtons d’être binaires et extrémistes dans nos idées, ouvrons notre esprit et respirons par le nez. Chaque frustration sera ainsi moins envahissante et on passera plus vite à quelque chose de plus joyeux, tel un printemps dans nos cœurs…

 

Photo : Unsplash | Robert Baker

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