Déclarer forfait pour mieux revenir

Milan Popovic

Je dois accepter, accepter de m’écouter, accepter un changement de priorité, accepter de percevoir mon corps fatigué, accepter que la vie a décidé de me faire bifurquer, accepter que c’est ainsi, accepter que cette belle expérience de demi-marathon sera pour une autre année. Je ne voulais pas voir les symptômes, je n’écoutais pas les signes qui pourtant me réclamaient de ralentir, je ne voyais pas l’évidence. Alors la vie s’est organisée pour que je comprenne, grande sage qu’elle est.

Je sais pourtant que, quoi que je fasse, ce qui doit arriver finira toujours par survenir, que j’ai beau me voiler la face, j’ai beau penser que je peux déjouer le destin, qu’avec mon caractère, mon entêtement, ma persévérance et mon désir d’y arriver, je pourrai contrer les effets de la fatigue, l’accumulation des événements et leurs conséquences sur mon état. Mais non, ce n’est pas comme cela que ça fonctionne.

J’ai beau écrire sur ce blogue fréquemment d’être à l’écoute de soi, je suis moi aussi un cordonnier mal chaussé par moment. Je m’égare, je m’éloigne de mon ancrage, je dérive un peu. Heureusement, je suis mieux outillée aujourd’hui pour revenir à bon port, pour retrouver ma route. Mes antennes sont plus fines qu’avant, elles peuvent percevoir les subtilités auparavant ignorées. Et mon égo, lui aussi, apprend à me laisser gérer mes émotions, à ne pas me laisser envahir par la déception de l’abandon.

Certains me diront que ce n’est pas abandonner que de s’écouter mais quand on travaille aussi fort depuis des mois, quand on a consacré autant de temps et d’énergie à la préparation d’une seule journée et que celle-ci nous file entre les doigts, ça ne peut qu’être vu comme un abandon. Pourtant, déclarer forfait dans la situation actuelle est la meilleure chose à faire même si la décision m’a pris des semaines à prendre. Je le sens, au fond de mes tripes, que c’est ce qui doit être fait. Mais ma tête, elle, a encore cette date fatidique au calendrier, comme si tout avait été tellement axé sur cela que ça prendra un temps avant d’assimiler le changement de cap.

C’est ainsi et c’est correct, je le sais. Je suis déçue, bien sûr, mais je sais que j’ai à apprendre de cette expérience, que cet apprentissage sur l’écoute de mon état me fera grandir et me sera très utile dans le futur. Ce n’est que partie remise, j’ai acquis une belle force et j’ai bénéficié de tous ces efforts. Je l’ai souvent dit, la course pour moi, c’est mon médicament, mon traitement naturel. Jamais je n’arrêterai, seul l’objectif change, se transforme.

Une fois la pilule de cet abandon avalée, digérée, j’ai compris que mon corps se sent soulagé, que la pression retombe et que je peux respirer, prendre le temps de me remettre sur pied et sentir les bienfaits de cet entraînement rigoureux des derniers mois. Comme je l’écrivais hier, ce n’est pas la destination qui compte, c’est le chemin pour s’y rendre qui importe. Et ce chemin que j’ai parcouru, il demeurera toujours, il n’est pas effacé par l’annulation de ma course officielle.

Je sais que demain, quand je chausserai mes souliers et foulerai le bitume, je courrai avec légèreté, fierté et pur plaisir. Sans plan formel, sans visée précise, sans programme minuté. Je mettrai un pied devant l’autre en humant l’air, en ne pensant à rien d’autre que mon bonheur du moment. Et c’est ça qui m’a fait me remettre à la course, c’est ça ma médaille à moi. Sentir mon corps se mouvoir sans effort, sentir l’air entrer dans mes poumons à grandes bouffées, sentir mes jambes gambader… Déclarer forfait dans cette situation, au fond, c’est revenir à l’essentiel : le bien-être.

 

Photo : Unsplash | Milan Popovic

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