Et si on s’écoutait?

Slava Bowman

Connaissez-vous des gens qui, lors d’une discussion, vous répondent toujours : oui, mais… ? Il m’est arrivé de devoir fréquenter ce type de personnes, surtout au travail et j’ai réalisé avec le temps, que ce sont souvent des gens qui veulent toujours avoir raison. Ils sont parfois d’accord avec vos propos mais ressentent toujours ce besoin d’y ajouter leur petit grain de sel, question d’avoir le dernier mot. Ou encore, ils aiment compliquer les choses, ajouter un peu de débat dans des échanges, par plaisir ou par malice.

J’ai aussi constaté que ce sont souvent des gens qui n’écoutent pas réellement, ou très peu. Dès le troisième mot de votre phrase, ils sont déjà en train de préparer la réponse, sans égard à ce que vous tentez d’exprimer. Ce qui me fait le plus réagir, ce sont les « oui mais » qui concernent ce que je ressens. Heureusement moins fréquents, ils demeurent tout de même et m’irritent plus profondément. S’il y a bien une chose qui m’appartient et qui n’est pas discutable, c’est ce que je ressens, non?

Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, la tendance est de donner son opinion sur tout, tout le temps. On dirait que l’expression « se garder une petite gêne » a pris le bord depuis longtemps. Au départ, on se cachait derrière un écran, n’osant pas dire en face ce qu’on pensait tout bas. Mais j’ai malheureusement pu observer que c’est devenu plus global, plus commun, de voir des gens réagir ainsi dans la vraie vie.

Hier, j’ai assisté à ce genre de scène dans le métro. Un jeune couple s’est mis à critiquer et commenter tout autour d’eux, de l’habillement d’une dame, à la démarche de l’autre, un parfum par ici, un nez par là… Tout y passait, de manière cinglante et composée de jugement gratuit et blessant. Pour eux, c’était comme un jeu de dire à voix haute (et même très haute) tout ce qui leur passait par la tête, sans se préoccuper de l’effet sur les autres. Ou plutôt de s’en nourrir, comme si détruire l’humeur était devenu une mission du jour…

Et j’ai trouvé cela très triste car je crois qu’il faut être très déconnecté de soi et passablement souffrant pour attaquer les autres ainsi. C’est toutefois un des effets pervers des plateformes sociales qui permettent de déverser son fiel sans égard. Et on encourage de type de réaction en laissant les gens faire, en permettant à tout un chacun de dire des bêtises sans sévir. C’est tellement devenu commun que plus personne ne s’en préoccupe.

Quand son copain a pris un appel, j’ai abordé la jeune fille en lui demandant ce que ça lui ferait si elle était seule, donc non accompagnée de son chum pour la défendre, et que je me mettais à émettre des jugements méchants à son sujet, devant elle. Et elle m’a regardé, hébétée, comme si elle ne s’était jamais posée la question. Je m’attendais sincèrement à me faire envoyer promener mais j’ai senti un petit éclair de lucidité lui traverser le regard.

Parce qu’à force de se foutre des autres, d’être individualiste et très centré sur soi, on finit par se désensibiliser et c’est loin d’être ce qu’on souhaite. On ne veut pas devenir des abrutis ni des robots. Humainement, on a besoin les uns des autres et au lieu de créer de la distance et de la méfiance entre les gens, si on prenait le temps de s’écouter, de s’intéresser à l’autre, on découvrirait qu’on est pas mal plus proches qu’on pensait.

Ce qui nous unit, ce qui nous rassemble, c’est justement notre humanité. Ce serait dommage de la gâcher à cause de quelques grandes entreprises qui ont décidé qu’on était comme des rats de laboratoire et que c’était plus payant pour elles de nous utiliser comme tel. On utilise de moins en moins notre cerveau, préférant nous fier aux ordinateurs et autres appareils électroniques. Mais ce serait bien qu’on continue d’utiliser notre cœur pour nous permettre de ressentir, encore, la joie de se retrouver et de s’aimer…

 

Photo : Unsplash | Slava Bowman

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