Quand on part un certain temps et qu’on se laisse dépayser, on a toujours un choc relativement brutal au retour. Un mélange entre une prise de conscience, une remise en question et une incompréhension générale de son quotidien. Qu’il soit souhaité ou non, ce cocktail d’émotions est bel et bien là, accompagné de son fidèle compagnon : le décalage horaire. Ce mélange peut générer toute sorte de réactions ou de décisions dans une vie…
Je me souviendrai toujours de mon retour du Maroc, il y de cela de nombreuses années. J’étais jeune, inexpérimentée et effroyablement naïve et j’avais été choquée de comprendre que notre vie ici, que l’on prend pour un acquis et la normalité, était loin d’être la norme. Que de se sentir en sécurité était un des atouts majeurs que nous avions en tant que femme ici et qu’on n’en mensurait pas toujours l’importance. Et, au-delà de l’aspect sécuritaire, le simple fait d’avoir une indépendance et qu’elle soit respectée constituait un droit non négligeable.
De retour de ce récent périple autant spirituel que physique, je réalise l’importance de faire des choix, de les assumer et surtout, de s’écouter. Personne n’est mieux placé que nous pour savoir ce qui nous convient et aucune vie n’est identique à la nôtre. On a chacun notre parcours de vie, notre passé, nos valeurs, notre éducation, notre expérience. On traîne cela avec nous, on accumule et on se déleste du trop-plein, au gré de nos envies ou des épreuves qui surviennent.
Mais rarement on prend le temps de se demander concrètement ce qu’on désire profondément. La fameuse question qu’on ne se pose pas assez, ou pas assez sérieusement : si tu avais une baguette magique, que changerais-tu de ta vie? Cela peut sembler être un jeu enfantin ou un exercice ésotérique mais, en réalité, on a du pouvoir sur notre vie. On s’impose à soi-même beaucoup de fardeaux et de choix incohérents, pour faire plaisir, par peur du changement ou par méconnaissance de nos envies profondes.
Pendant des années, je me suis privée de voyager pour de multiples raisons. Mais la principale était fondamentalement liée à la peur. Peur de ne pas savoir me débrouiller avec mon anglais approximatif et ma méconnaissance de la langue locale, peur de ne pas m’intégrer, peur de l’inconnu, peur de ne pas savoir décoder le danger, peur de m’ennuyer, peur de sentir la solitude, peur d’être moi dans un autre contexte.
Mais ce voyage exploratoire m’a redonné confiance en moi, m’a permis de comprendre ma valeur, mes forces et mon sens de la débrouillardise. C’est le retour qui fut plus brutal puisque je suis retournée dans mes vieilles pantoufles. Mais elles ne sont plus aussi confortables qu’avant. J’ai l’impression d’avoir enfilé mon vieux pyjama d’enfance trop petit. Ça ne cadre plus, ça ne convient plus. Je ne sais pas ce que je veux maintenant mais je sais que je suis inconfortable dans ce moule actuel.
Avancer dans la vie, ça veut aussi dire s’avouer cela, assumer qu’on ne sait plus trop ce qu’on veut et où l’on va et que c’est correct ainsi. Accepter de ne pas être en parfait contrôle et ne pas chercher à corriger le tir à tout prix. Tolérer l’incertitude, lâcher prise et se laisser voguer, un peu pour mieux ressentir et trouver sa voie.
Le choc du retour, on peut décider d’en faire quelque chose de positif afin d’entamer des changements pour être mieux, pour être plus en phase avec ses valeurs intrinsèques. On peut aussi décider de continuer comme avant. Parce que ce n’est peut-être pas encore le bon moment. Et ça aussi, ça appartient à chacun. Et c’est ben correct comme ça…
Photo : Unsplash | Nathan Dumlao