Hommage à l’ordinaire

Gaelle Marcel

Hier, j’ai vu une publicité de Noël. Et ça m’a un peu choquée. L’Halloween n’est même pas encore chose du passé qu’on nous incite déjà à acheter des cadeaux. Encore. Mais pendant ce temps, on nous bombarde d’articles et de trucs pour vivre dans le moment présent. Et le moment présent, c’est le 18 octobre 2018. Pas Noël. Pas l’Halloween. Pas la Saint-Valentin. C’est juste le 18 octobre. Une journée comme les autres, un jeudi tranquille, gris et frisquet, certes, mais un jeudi tout ce qu’il y a de plus banal.

Est-ce que chaque jour doit devenir spécial et comporter son lot d’éléments à fêter? Est-ce qu’on est rendu au stade où on n’est plus capable d’apprécier le simple fait d’être là, en vie, en santé? Est-on condamné à être sarcastique en tout temps, incapable de simplement vivre sa vie?

Parce qu’avouez qu’il y a quelque chose de curieusement ironique à voir une promotion du temps des fêtes plus de 60 jours à l’avance et qui met en vedette un livre sur le « hyge »… Je sais, certains me diront que Noël, c’est magique, qu’il y a même des magasins qui vendent à l’année des articles de cette fête devenue trop commerciale et qu’on aime tout ce qui l’entoure. Et je ne fais pas partie des grincheux qui détestent cette fête, au contraire. Ma femme de ménage trouve encore, parfois, des épines de sapin d’il y a deux ans, quand j’ai eu la bonne idée d’acheter un arbre naturel.

Mais, il me semble que… Chaque chose en son temps, non? Est-ce qu’on peut juste savourer cette douce transition vers l’hiver, sans se précipiter dans les boutiques pour consommer à outrance? Est-il encore possible de souhaiter la sobriété, le calme, le silence, la pureté? Je me sens parfois agressée par tant de publicité, de bruit, d’incitatifs permanents clamant que mon bonheur se trouve dans ce nouveau gadget à la mode.

J’envie presque l’époque de ma grand-mère qui décidait par elle-même ce que la famille mangerait pour souper, sans l’influence des 352 nutritionnistes qui produisent des livres, des articles, des chroniques et des billets de blogue pour prôner le nouvel aliment à la mode ou la combinaison parfaite d’antioxydants et nutriments pour être heureux. Dès qu’on ouvre l’œil le matin, dès la première respiration, j’ai l’impression qu’on tente de m’inciter à acheter un truc, à adopter une nouvelle pratique ou à intégrer une nouvelle habitude.

Ça ne vous donne pas le tournis vous, parfois? Même le dernier roman que j’ai lu m’a semblé infiltré par le placement de produit… Et je dois avouer que ça m’irrite un peu. J’ai l’impression, par moment, d’être un petit rat de laboratoire qu’on observe, qu’on scrute et qu’on tente de faire craquer.

C’est peut-être mon blues du retour qui me fait cela, mais ça fait quand même plusieurs années que je ressens cette pression, ce filtre permanent sur tout. Comme si plus rien n’était naturel, simple, pur. Tout me parait édulcoré, transformé, verni. Comme les photos de bouffe qu’on nous présente qui ont été travaillées pendant longtemps pour faire briller le tout comme un sou neuf.

Mais la vie, ce n’est pas Photoshop, ce n’est pas magnifié. Le matin, quand on se lève, on a tous une haleine moins inspirante, les cheveux en bataille, le pyjama enroulé autour de soi, le pli de l’oreiller dans le visage et un sérieux besoin d’être brassé un peu pour s’éveiller. Et vous savez quoi? C’est normal, ça! Faut arrêter de vouloir être beau tout le temps, de vouloir correspondre à ces maudits standards impossibles à atteindre et croire que la petite crème miracle existe. Vive l’imparfait, vive l’ordinaire. Vive les 18 octobre.

 

Photo : Unsplash | Gaelle Marcel

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