Oser se regarder vraiment

Bekah Russom

De nos jours, la tendance est à la beauté, au style épuré, à la pureté et au très léché. Alors, quand on ne file pas, quand quelque chose nous tracasse ou nous bouleverse, on se sent presque mal de ne pas cadrer dans toute cette splendeur. Je lisais récemment un billet de blogue très profond (que je n’arrive malheureusement pas à retrouver) qui parlait du malaise d’une dame face à cette mascarade sociale qui amplifiait son anxiété.

Ça m’a beaucoup touché, à la base, qu’elle ose se livrer sur ce qu’elle ressentait. Mais aussi, ça a mis en lumière quelque chose que je ressens, parfois, moi aussi. Le beau, l’éclatant et l’ultra-brillant que nous diffuse en rafale les réseaux sociaux nous rend sensible et vulnérable. Car dès que l’on sort du cadre, on se sent inadéquat, imparfait. Notre cerveau sait pertinemment que la photo a été retouchée, que ce n’est que le côté clair de la force et que la zone d’ombre ne sera jamais présentée publiquement mais notre cœur et notre âme en sont tout de même affectés.

Ce qui m’interpelle dans cela, c’est que pour avancer et trouver une certaine paix intérieure, on doit oser se regarder vraiment, tel qu’on est, en toute honnêteté. Si on passe sa vie à porter un masque et à se voiler la face, on ne fait que tomber de haut quand la réalité nous rattrape. Et peu importe ce qu’on voit défiler sur notre écran, tout le monde a des blessures, traîne de vieilles histoires non réglées et tente de faire son possible avec le bagage qu’il a.

En fuyant constamment ce côté moins propre et moins attrayant de soi, on ne fait que le laisser nous mener sans contrôle. Tandis que si on décide de le regarder en face et de le ressentir, on peut l’accepter et faire en sorte qu’il soit un atout plutôt qu’un frein. Parce que souvent, sans s’en rendre compte, on réagit aujourd’hui avec notre blessure du passé. Sans en être conscient, on laisse en quelque sorte notre enfant blessé parler à notre place. Quelque chose en nous a été semé mais si on passe notre temps à le nier, on ne fait qu’entretenir cet écart avec la réalité.

J’ai appris, il y a des années, à ouvrir mon livre, à relire mon histoire de vie. Des fois, ça fait mal, des fois, on ressent de la colère et on préfère fermer brusquement le tout en se disant qu’on peut très bien vivre sans faire ce processus. Mais ça finit toujours par remonter et par nous envahir, consciemment ou non. Alors, personnellement, j’ai décidé d’y aller lentement, page par page. Pour me donner le temps d’intégrer le tout et de me réconcilier avec ce passé.

Quand je disais cette semaine qu’on ne règle pas son passé, quelqu’un m’a écrit pour me dire que c’était faux. C’est peut-être une question de sémantique mais je réitère mon point. On règle un conflit ou on règle une facture, mais on ne règle pas son passé. Pour la simple et unique raison qu’il fait partie de nous pour la vie, il teinte qui l’on est. On peut faire toutes les séances de PNL que l’on veut, reprogrammer son cerveau en entier mais le passé restera là malgré tout. Il sera simplement moins envahissant.

Oser se regarder vraiment, prendre la mesure de notre vécu et embrasser notre différence, c’est tout un programme, celui d’une vie. Mais c’est ce qui nous permet de vivre et de ressentir de belles émotions. Je ne regrette aucun des moments difficiles que j’ai vécus car ils m’ont permis d’être qui je suis, cet être imparfait mais lucide. J’ai plein de défauts, je n’arrive pas toujours à maîtriser mes émotions, je réagis parfois trop, parfois en retard et il m’arrive même de me tromper! 😉 Mais tout ça, c’est ma vie, et je ne la changerais pour rien au monde.

Photo : Unsplash | Bekah Russom

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