Hier, sur un de mes fameux groupes de voyage, une jeune femme demandait aux membres quel était leur métier. Elle se sentait malheureuse dans le sien et, privée de sa passion du voyage, elle cherchait une solution miracle. J’avais envie de lui répondre : découvre qui tu es d’abord car la solution de l’une ne sera surement pas celle de l’autre. Je me suis retenue car je déteste cette tendance à donner des conseils aux inconnus mais je n’en pensais pas moins.
C’est vrai qu’aujourd’hui, on a accès à plus de métiers et de formations qu’avant. Pourtant, devant ce choix grandissant, les jeunes n’arrivent pas à se décider. Et je les comprends. J’ai moi-même pris une tangente sur un coup de tête à 18 ans, abandonnant ainsi le parcours tracé par mon père dans l’enseignement. À voir l’état de nos écoles actuellement, je ne regrette nullement mon choix mais ce souvenir m’a rappelé à quel point on ne se connaît pas assez à 17-18 ans pour décider du reste de notre vie.
Et d’ailleurs, est-ce encore réaliste en 2019 de croire qu’on œuvrera dans le même métier pour toute la durée de sa vie professionnelle? Je ne crois pas, sincèrement. Transposer ses acquis dans un autre domaine, se propulser dans un nouveau contexte, c’est ce qui nous forme le plus. Mais pour cela, on doit les connaître, ces fameux acquis. On doit arriver à se décrire, à décortiquer son expertise, à déceler aussi ce qui ne nous convient pas dans notre poste actuel.
On est toujours à un clic d’une nouvelle information et on a plus de difficulté à faire de l’introspection, à chercher en nous ce qu’on ressent. C’est si facile de se perdre dans les millions d’articles, de billets et de chroniques sur les trucs faciles pour changer de métier. Mais changer pour changer, ça n’a jamais donné de très bons résultats. Choisir, ça implique connaître, ça sous-entend une analyse des options, ça demande une réflexion.
Hors, on dirait que le processus de réflexion n’est pas très populaire aujourd’hui. Tout va vite et tout change rapidement alors réfléchir, ça semble archaïque. Mais pourtant, pour bien entendre la petite voix en soi qui donne écho à notre instinct, on doit se poser, arrêter de courir. Et je sais que c’est difficile avec nos vies de fou, avec nos rythmes effrénés et nos milliers de choses à faire. Mais c’est nécessaire.
J’aurais envie de m’asseoir avec cette jeune femme déboussolée pour lui demander ce qui l’a fait vibrer dernièrement, ce qui a mis un sourire sur son visage, ce qu’elle aime faire pendant des heures sans réfléchir ou sans voir le temps passer. C’est dans ces expériences qu’on trouve ce qui nous nourrit. Et j’aimerais lui dire qu’il faut cesser de croire que le boulot, c’est la vie. C’est ce qui paie les factures, oui, mais ce n’est pas ce qui nous définit. La glorification du travail, c’est out, ok?
La première question que l’on pose à quelqu’un ne devrait pas être « que fais-tu dans la vie? » mais bien « qui es-tu? » ou même « qu’aimes-tu? ». Nos passions, nos intérêts ou nos talents me semblent plus importants que ce qu’on fait entre 9 h et 17 h. Tant mieux si c’est notre métier mais c’est rare et il ne faut surtout pas se sentir coupable de ne pas marier les deux.
J’aime savoir ce que les gens ont lu ou écouté comme musique récemment. Ou même quels plats ils ont cuisinés dans les derniers jours. À mes yeux, un panier d’épicerie en dit plus long qu’un cv sur une personne. (Je serais curieuse de voir l’effet dans une entrevue d’une telle question d’ailleurs! Au lieu de la sempiternelle question suivante : tu te vois où dans 5 ans?)
Nos valeurs ne sont pas souvent mises en lumière dans notre travail où l’on tente de nous conformer et nous insérer dans un moule bien défini. C’est dans notre vie, notre quotidien, nos temps libres qu’on est le plus soi-même. Alors demandons-nous ce qu’on aime y faire pour mieux choisir ce qu’on veut faire du reste de notre vie. Choisir sa vie, ce n’est pas choisir un métier. C’est choisir ce qu’on veut ressentir en se levant le matin.
Photo : Unsplash | Form