Écouter les signes

Guilherme Romano

Dernièrement, un ami a vécu des moments stressants quand son corps, pourtant en forme, a cessé momentanément de collaborer comme à l’habitude. Sans qu’on parle de paralysie, il s’est réveillé un matin avec de gros engourdissements de tout son côté droit. Il me décrivait le tout comme une étrange sensation de perte de contrôle et de traîner un boulet avec soi.

Au-delà de l’inquiétude qui peut accompagner de telles expériences, il y a ce que ça cache : un manque d’écoute de soi. Car, après avoir passé des examens plus ou moins poussés, le constat est souvent révélateur : le corps a besoin de repos. On abuse souvent de notre système, pas toujours à l’écoute des signaux et souvent pas en recherche d’harmonie. Mais notre corps, lui, tente constamment de retrouver cet équilibre qui lui assure un fonctionnement optimal. Alors quand on exagère, il envoie des signes plus clairs.

Que ça vous soit déjà arrivé ou non, je suis convaincue que vous comprenez de quoi je parle. Ce peut-être simplement cette sensation de fatigue lancinante qui vous suit pendant plusieurs jours ou un mal de tête constant qui s’étire trop longtemps. Mais tous ces symptômes ont en commun de nous faire prendre conscience qu’on n’est pas invincible. On oublie qu’on doit prendre soin de soi et, selon notre capacité à déceler les indices, on se rend plus ou moins loin dans le dérapage.

S’il y a bien une chose qui ne s’achète pas, c’est la santé (malgré toutes les recettes miracles qui pullulent sur Internet). Se reposer, bien s’alimenter, faire du sport, se détendre, entretenir des relations harmonieuses, éviter le stress et favoriser les plaisirs sains, voilà des éléments-clés d’un bien-être constant. Et pour que notre corps demeure un allié, on doit être à son service et non l’inverse, lui fournir le carburant et les conditions gagnantes pour qu’il nous mène là où l’on veut aller.

Mais le sait-on vraiment? Connaît-on cette destination? Si la réponse est non, ne vous flagellez surtout pas. C’est correct, ce n’est pas une obligation d’avoir un plan quinquennal. Il faut cesser de se mettre une pression monstre et de toujours vouloir correspondre aux standards de la société. Personnellement, je préfère me sentir bien sans avoir de plan précis que de stresser pendant 20 ans pour atteindre mes objectifs. Si j’arrive usée, sur les genoux, à ma retraite, j’aurais l’impression d’avoir ratée quelque chose.

Étirer l’élastique, que ce soit sur le plan physique ou mental, c’est toujours risqué. Il y a dans l’air du temps cette tendance au dépassement. Mais, si on n’est pas accompagné dans cet exercice, on peut surcharger son système et le faire déraper. Vouloir prouver sa performance, sa vivacité, ça peut devenir exigeant, trop exigeant pour nous. Et si les signes ne sont pas décelés à temps, la chute peut être brutale.

On refoule beaucoup de choses de peur de paraître faible : émotions, tensions, colères, peines, déceptions et blessures. Ajoutez à cela des excès d’alcool et de nourriture, un manque de sommeil, un environnement hostile et stressant, des exigences qui ne font qu’augmenter… Et vous avez le cocktail parfait pour frapper le mur de plein fouet.

Pourtant, on le sait. On lit tous les jours des histoires de gens qui ont poussé la machine trop loin, qui ont perdu pied et qui regrette de ne pas avoir été assez alertes pour voir venir la vague qui les a engloutis. On lit de manière détachée ces textes qui nous disent que la santé est ce qu’on de plus précieux, on fait des résolutions de nouvel an en trinquant sans trop y croire. Puis un jour, ça nous happe.

Je ne veux en aucun cas être moralisatrice ce matin, au contraire. J’ai envie qu’on lève le nez de nos écrans et qu’on respire à plein poumon cette vie qui nous entoure et celle qui est en nous. Qu’on se souvienne que tout est possible quand on est en santé et que l’important, c’est de se connecter à ce merveilleux véhicule qu’est notre corps. Parce que ce serait dommage d’attendre de perdre la santé pour enfin l’apprécier.

Photo : Unsplash | Guilherme Romano