La passion de ses intérêts

Nathan Dumlao

Dernièrement, on m’a demandé qu’elles étaient mes passions. Et, en répondant, j’ai réalisé que ma liste était longue. Alors l’interlocuteur a renchéri en me demandant : alors, quels sont tes intérêts dans ce cas? Et j’ai réalisé que j’interprétais peut-être mal ce qui me faisait vibrer. Alors, en bonne analyste que je suis, j’ai fait mes recherches et je suis allée lire sur le sujet. Et ce que j’ai découvert m’a un peu déçu…

Un intérêt serait quelque chose d’éphémère et qui peut être multiple alors qu’une passion est quasi viscérale et unique. Une passion serait LE genre de truc pour lequel vous seriez prêt à tout laisser tomber. Je ne sais pas si c’est vrai mais honnêtement, j’avais l’impression, encore une fois, de lire une recette magique. Et vous savez à quel point ça m’irrite…

Parce que, tant qu’à moi, on pourrait avoir plus d’une passion et le niveau de chacune pourrait être variable. Et un simple intérêt pour quelque chose peut se transformer en passion, voire en vocation. Ça me semble être des vases communicants. Une passion, c’est en quelque sorte un centre d’intérêt qui nous procure de fortes sensations de joie et d’énergie positive.

En effet, la passion fait ressortir nos émotions les plus profondes, celles qui donnent parfois le vertige, et qu’on a tendance à vouloir oublier tant elles font peur. Alors que l’enthousiasme généré par les intérêts est plus cérébral, plus sporadique et ne procure pas le même niveau d’émotions fortes. Il suffit de remonter à l’origine du mot passion pour comprendre : le mot vient du verbe grec πασχω signifiant “souffrir”. Passion signifie souffrance. C’est deep, non?

Mais bon, si on met de côté le dictionnaire et qu’on revient à la vie de tous les jours, ça donne quoi? Ça donne qu’on peut se passionner pour ce que l’on veut et faire fi des définitions. Désolée, mais moi, les moules et les standards, ça me donne de l’urticaire. Je suis plus comme un cheval sauvage et fougueux que le docile petit poney qui amuse les enfants sans danger.

À force de vouloir faire en sorte que tout le monde se ressemble, de taper sur la tête de ceux qui sortent du lot et d’éteindre les passions des plus vigoureux, on va avoir quoi comme société? Et surtout, qui va nous leader tout ça d’un coup de baguette magique? C’est ça… Le conformisme, ça vient de qui vous pensez? C’est facile de vendre ce qu’on veut à du monde qu’on a dompté comme des chiens de Pavlov.

Si tu te passionnes pour la cuisine autant que pour les motos, c’est ben correct. Tu as le droit! Tu peux passer des heures sans voir le temps passer à confectionner des gâteaux tout comme tu peux le passer à bichonner ta rutilante bécane. Tout cela dans la même fin de semaine. Ça ne fait pas de toi un extra-terrestre ni quelqu’un de moi aimable. Ça fait de toi quelqu’un d’unique.

Alors, oui, ayons plein de passions et d’intérêts, alimentons notre âme comme on le désire et faisons fi des conventions. Parce que la vie est courte en ciboulette pour reporter à plus tard une passion pour la simple raison qu’on doit en avoir juste une à la fois. Parce qu’essayer de rentrer dans un moule trop serré, ça fait mal et ça irrite. Parce qu’à force de freiner notre authenticité, on finit par ne plus savoir trop qui on est.

Quand j’ai besoin d’être moi et de décrocher de ces conventions trop contraignantes, je mets de la musique et je danse, je chante, je m’éclate et je ris. Parce que ça me fait du bien et ça me rappelle que je suis qui je suis. Une femme qui s’assume, qui a une vie non conventionnelle, qui pourrait correspondre à plusieurs moules mais qui a décidé de se créer son propre chemin. J’évolue et je n’ai pas envie de me mettre dans un enclos. Et si ça signifie que je dérange, ce sera ça. J’aime mieux déranger et être heureuse que de me conformer et m’éteindre.

Photo : Unsplash | Nathan Dumlao

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