On parle de l’importance de la communication depuis toujours, on offre des formations aux employés pour bien s’exprimer, des ateliers pour les couples en conflit et on enseigne aux étudiants sur les bancs d’école à peser leurs mots, à bien parler au « je » et à utiliser un langage adapté à leur interlocuteur. Mais, on a beau maîtriser l’art oratoire et s’appliquer au maximum, s’il y a bien une chose qu’on ne contrôle pas, c’est comment les autres recevront nos propos.
Car l’état mental et émotif de la personne à qui on s’adresse ne nous est pas toujours clair. Encore plus à cette époque du message texte et autre messenger de ce monde. On ne s’entend plus, on voit des mots. On n’a presque plus accès au langage non verbal et au ton de voix. Car malgré qu’on appelle cela des téléphones intelligents, soyons honnêtes, la fonction téléphonique sert bien peu…
Cela fait en sorte qu’on s’irrite et on interprète les paroles des autres, qu’on les reçoit sans compromis et sans nuance. Et, peut-être que je me trompe, mais on recule sur le plan de la communication. S’exprimer est devenu risqué par moment. On n’ose plus toujours dire ce qu’on ressent de peur que ce soit dénaturé, déchiffré incorrectement. Et c’est d’une tristesse sans nom car s’il y a bien une chose qui est essentielle aux bonnes relations, c’est justement la communication.
Combien de couples ai-je vu dans un restaurant, les deux avec leur appareil collé à la main, se parlant pas ou peu, préférant diffuser des photos de leur plat ou de leur verre sur les réseaux sociaux alors qu’un humain attendrissant n’attendait que leur affection à quelques centimètres. Est-ce qu’on est rendu au point qu’on a peur de se parler en face, tellement on s’est habitué à le faire via un écran?
Vous vous dites surement que vous n’êtes pas comme cela, que vous êtes encore apte à discuter calmement avec l’être aimé, vos proches, amis et famille. Mais je vous mets au défi de ne communiquer qu’en personne ou au téléphone pendant quelques jours et vous constaterez surement comme moi qu’on a intégré dans notre quotidien ces modes de communication palliatifs et qui nous semblent si pratiques.
On peut faire tous les efforts du monde, donc, pour bien s’exprimer mais j’ai l’impression qu’on doit aussi faire preuve de lâcher-prise (encore!) sur la réception. Car, comme dirait ma psy, cet aspect ne nous appartient pas. Et on ne peut pas, et ne doit pas, se culpabiliser par rapport à ce que l’autre ressent (à moins d’être rentré dedans comme un dix roues mais là n’est pas le propos). Si on explique notre ressenti, ce que ça fait remonter chez l’autre vient de son passé, de son histoire, de son vécu. Et ça, on n’a aucun pouvoir là-dessus.
Pour avoir vu des larmes dans des rencontres de bureau ou des fous rires totalement impromptus, je sais que nos réactions nous appartiennent et qu’elles sont aussi adéquates que nos propos, même si ça surprend et même si, sur le coup, ça semble inapproprié. On oublie parfois qu’on est des humains, faillibles et imparfaits qui tentent de faire de leur mieux avec les outils à disposition. On ne sera jamais irréprochable, on ne peut pas être toujours appropriés et sans fissure. Est-ce qu’on peut juste accepter cela, mettre notre égo de côté et tenter de faire de notre mieux, avec notre cœur? Il me semble que, déjà, ça serait moins lourd sur nos épaules. Et parlant d’épaule, s’il y a quelque chose de beau d’être en vrai avec quelqu’un, c’est de pouvoir y déposer la tête, sans rien dire. Car, dans ce moment de douceur, même les mots ne sont pas aussi forts.
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