Pendant des mois, on a entendu les gestionnaires clamer qu’avec la pandémie, il fallait se réinventer, s’adapter. Les artistes ont crié haut et fort qu’ils en avaient marre qu’on leur demande de s’ajuster avec cette impression de devoir couper, altérer leur art. Les gens de plusieurs industries ont souffert gravement, par le manque de ressources financières et maintenant par le manque de main d’œuvre.
Mais, humainement, individuellement, la réinvention a été plus sournoise. Pour certaines personnes, la pandémie a été vécue comme un long passage à vide, sans grand bouleversement. Dans l’attente constante de la reprise des activités, ceux-ci ont seulement pris une pause et espère le retour à la normale. Pour d’autres en revanche ce fût un grand chamboulement dans leurs certitudes, une occasion de remettre en question la routine et les repères.
Ni l’une ni l’autre des attitudes n’est absolue et chacun trouvera son compte et son équilibre dans cette période étrange et instable. Il n’y a pas un seul modèle de réaction et encore moins une voie unique à suivre. Il faut toutefois avouer qu’il arrive rarement dans une vie qu’on vive collectivement un tel séisme, il serait dommage de se mettre la tête dans le sable si on sent poindre un désir de changement.
Ce matin, en lisant La Presse+, l’histoire de Pascale Picard m’a interpelé. Après moultes tentatives pour occuper son esprit créatif, elle a finalement repris le chemin des études pour parfaire son expertise et ses connaissances dans le domaine de la radio. Ayant déjà eu une courte expérience en la matière, elle a profité de cette pause imposée pour retourner sur les bancs d’école.
Pas toujours facile quand on doit composer avec la vie familiale et une différence d’âge importante avec le reste des étudiants mais ce fût très bénéfique pour elle. Ça m’a alors fait réfléchir à combien de personnes ont fait un tel saut, ont saisi le taureau par les cornes pour réaliser un vieux rêve enfoui ou encore pour s’interroger et sonder son intérieur à la recherche ses désirs profonds jusque-là ignorés.
Je suis convaincue que, comme dans toute épreuve, beaucoup de bon ressortira de cette situation. Des gens auront trouvé une nouvelle vocation, d’autres auront fait le pas restant vers une transition de carrière déjà en cours, et plusieurs auront revu leurs valeurs, leurs principes de vie jusque-là tenus pour acquis.
On n’a qu’à penser au télétravail qui ne disparaîtra pas de sitôt ainsi qu’aux habitudes de vie (alimentation, sport…) qui ont forcément dû changer avec la fermeture des restaurants et des salles de sport. Beaucoup ont eu besoin d’un exutoire et se sont mis à la course ou au vélo, ayant plus de temps que jamais pour eux. J’ai vu beaucoup de famille s’organiser des sorties pour briser la routine du travail/étude devant l’écran.
Et je n’ai jamais vu autant de potager dans les cours, de gens qui se sont mis à cuisiner pour passer le temps, de réalisations personnelles allant du tricot au dessin, à la peinture ou aux cabanes d’oiseaux. Comme si on prenait tout à coup conscience de ce rythme effréné qui nous brimait de ces moments créatifs et apaisants.
Je souhaite sincèrement qu’on continue de se réinventer à petits pas, à prendre le pouls du bonheur qui émerge quand on prend soin de soi, qu’on s’écoute et qu’on ralentit. Nul besoin de changer de carrière ou de pays; on a seulement besoin de lever le nez de nos écrans et de respirer un grand coup. Parce qu’on va se le dire : on est heureux d’être en vie.
Photo : Unsplash \ laura adai