Cette histoire sort de l’ordinaire et fera sourire tout le monde! Partant d’une réalité triste de diagnostic d’un cancer incurable, une initiative a germée dans la tête d’une patiente et d’un pneumologue de l’Hôpital Charles-LeMoyne de Longueuil. La Presse + présente cette histoire très touchante et son dénouement qui permettra d’aider d’autres patients.
Voici donc ce récit touchant et empreint d’espoir :
BLUES INTENSIFS POUR LA VIE
DANIEL LEMAY LA PRESSE
Le diagnostic était sans appel : cancer du sein avec métastases au cerveau. Pronostic : six mois… Marjolaine Prévost, qui chantait bien, a voulu monter un spectacle de blues. Pour se faire un dernier cadeau d’anniversaire. Pour laisser un souvenir à ses enfants de 3 et 5 ans. Pour venir en aide à la Fondation Hôpital Charles-LeMoyne de Longueuil où elle était traitée.
Elle a rassemblé un band, elle s’est trouvé une perruque et elle a rempli le centre communautaire de Delson où ses proches et ses connaissances ont vu cette femme courageuse donner le show de sa vie. Marjolaine est morte peu après, quelques jours avant son 39e anniversaire.
Le guitariste du band était Marc Chassé, un monsieur discret qui gagne sa vie à sauver celle des autres comme pneumologue intensiviste à Charles-LeMoyne. Pneumologue comme dans poumons ; intensiviste comme dans soins intensifs, une zone où tout le monde travaille à faire reculer la mort, elle-même parfois source de vie. Quand nous avons rencontré Marc Chassé, mercredi matin, il venait de passer la nuit à diriger le prélèvement des organes vitaux d’un homme mort en soirée dans un accident de la route.
Avant d’aller se coucher, le Dr Chassé a pris le temps de nous parler, en compagnie de Nicole Tremblay de la Fondation, de ce projet qu’il a mis sur pied dans la foulée du concert de Delson : un CD dont il a lui-même financé la production et dont la totalité des revenus de vente ira à la Fondation. Voici donc le brillamment nommé Doc Chassé et l’Unité des sons intensifs où le bluesman-médecin revisite certaines chansons qui ont marqué sa jeunesse.
« Plus jeune, je jouais de la guitare dans les bars de Hull et d’Ottawa où je côtoyais des musiciens établis. Je suis un amateur, mais j’ai toujours joué avec des pros. J’ai choisi le blues et le folk parce que, je ne saurais dire pourquoi, cette musique m’interpellait plus directement. Faudrait que j’en parle à mon psy… »
Plus tard, rendu à Montréal, Marc Chassé a étudié avec Michael Jerome Brown, un homme-orchestre que l’on entend sur deux des onze pièces de ce CD-bénéfice réalisé par Jean-Denis Bélanger alias J.D. Slim, sommité du blues québécois. Outre J.D. lui-même, l’Unité des sons intensifs compte des accompagnateurs de renom tels le contrebassiste Stephen Barry, le trompettiste Roger Walls et l’harmoniciste Pat Loiselle à qui se sont joints la choriste Danièle Grenier et les percussionnistes Guy Lévesque, JF Paradis et Guillaume Patenaude.
« La musique et la médecine entretiennent de vagues relations », dira Marc Chassé, excellent dans le picking, un style de jeu de guitare qui donne accès au champ immense du folk américain. Et voici Drifter’s Wife de J.J. Cale, mort l’été dernier, et The Fisherman de Leo Kottke, virtuose de la 12 cordes. « En réanimation cardiaque, explique Doc Chassé, le tempo optimal est de 100 beats à la minute… comme dans la chanson Staying Alive. » Rester en vie…
Non, il n’y a pas de toune des Bee Gees sur ce disque où Doc Chassé interprète d’autres classiques comme House of the Rising Sun, That’s Alright Mama, popularisée par Elvis en 1954 et considérée par plusieurs comme la pièce fondatrice du rock’n’roll, et la fameuse St.James Infirmary, obligatoire dans le présent concept hospitalier.
La Fondation Charles-LeMoyne assignera les revenus du CD – en vente à l’hôpital de Greenfield Park au prix de 10 $ – à l’achat d’appareils d’écho-endoscopie permettant d’atteindre des zones des bronches jusqu’ici inaccessibles. « Il y a un an, explique Marc Chassé, nous avions un seul de ces appareils miniaturisés et la liste d’attente était de deux mois, trop longue pour des malades atteints du cancer. L’achat d’un deuxième appareil a diminué l’attente à deux semaines. » Après le lancement de mardi prochain au Bidon de Saint-Lambert, Doc Chassé espère pouvoir amasser assez d’argent pour un autre appareil de pointe…
Marjolaine Prévost aurait été fière de son guitariste et de ces blues qu’il met au service des autres. Preuve que, dans le cynisme ambiant, tous les médecins ne pensent pas qu’à leurs poches. Autre vérité que l’effet média nous avait presque fait oublier : il existe au Québec d’autres hôpitaux que le CHUM…