La vie des autres

Jerry Kiesewetter

Depuis que je me suis remise à la course à pied de façon plus sérieuse et intensive, j’ai aussi décidé de m’abonner à des groupes de coureurs sur Facebook. L’objectif étant de profiter des connaissances des autres, autant sur les accessoires de course que sur le partage d’expériences et de soucis de coureurs, vécus en commun. Mais je constate un phénomène assez généralisé aux médias sociaux dans ce type de groupes : la comparaison.

Se comparer peut être aussi négatif que positif, selon comment on gère notre estime de soi et surtout pourquoi on se compare. Tout comme pour ce qui est de la déco de la maison, la façon d’éduquer les enfants ou la meilleure recette de pesto, il arrive bien souvent que des gens se dénigrent car ils ont l’impression d’être moins bons que les autres.

Et ça m’agace un peu… Pas les gens mais la tendance. Pourquoi diable est-on incapable de se satisfaire soi-même, de se contenter de nos propres progrès, de savourer le bien-être que l’activité nous procure au lieu de diminuer son apport simplement parce que le voisin a réussi mieux? Et c’est quoi de toute façon réussir mieux? On ne connaît pas son histoire, son parcours, sa forme physique, son entraînement alors comment peut-on se juger en fonction d’un repère dont on ne connaît rien?

Je lis souvent des gens qui écrivent : je cours à telle vitesse, croyez-vous que c’est assez? Et j’ai toujours tendance à vouloir répondre : comment te sens-tu quand tu cours? Bien? Alors, oui c’est assez. La course n’a pas à être « assez » ceci ou cela. Elle devrait faire du bien, apporter du bien-être, du plaisir et procurer un sentiment de paix avec son corps. Si on passe notre temps à ruminer le fait qu’on n’atteint pas la vitesse de monsieur x ou madame y, on ne profite plus du moment.

C’est ainsi dans plusieurs sphères de la vie… Les photos de voyage agacent certaines personnes qui ne peuvent pas se permettre de s’envoler, les portraits de cuisines rénovées minent le moral de ceux qui endurent la leur depuis trop d’années, la taille de guêpe de l’une déprime l’autre… C’est toujours ainsi mais le phénomène social du partage instantané a simplement permis une diffusion plus rapide et facile de tout cela. On ne doit pas pour autant se laisser démoraliser par le succès des autres. Car on ne connaît pas le parcours pour en arriver là…

J’ai connu des gens dont les photos Facebook reflétaient la petite vie parfaite mais dont l’équilibre ne tenait qu’à un fil. De l’extérieur, tout semblait si beau et si idyllique mais pourtant il s’y cachait beaucoup de souffrance. Alors à quoi bon se comparer toujours. Regardons plutôt ce qui nous habite, ce qui nous comble et concentrons-nous sur ce que nous pouvons faire dans notre propre vie.

En yoga, on parle souvent du moment présent, de l’ici et maintenant. C’est une philosophie à laquelle je tente d’adhérer le plus possible pour calmer le flot incessant de pensées qui peut m’habiter parfois. Prendre du recul et tenter de se concentrer sur son souffle, notre meilleur allié pour la vie, c’est s’accorder le temps nécessaire pour s’aimer et apprécier la vie, celle qui se déroule en nous.

S’aimer soi-même est un travail parfois difficile mais c’est celui qui nous rapportera le plus au bout du compte. Il permet de s’enrichir sans compter, et de partager sans crainte d’en manquer. Comme quoi, pour vivre dans l’abondance, il suffit de regarder en soi au lieu d’accumuler des biens.

 

Photo : Unsplash | Jerry Kiesewetter

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