Le blues du retour

NeONBRAND

Ça me frappe souvent à retardement, après que l’euphorie du retour soit passée, après que j’aie repris un semblant de contrôle sur ma vie. Mais c’est là, pernicieux, guettant la moindre trace de retour à la routine. Et là, BAM, ça survient. Je pense avec nostalgie à mes journées de marche, à mes matins frisquets, lampe de poche en main, à parcourir mes premiers kilomètres pour me mettre en route, pour trouver mon rythme.

Et j’observe mon rythme actuel avec dédain, avec mépris. Mais que diable m’a-t-il pris de choisir une carrière aussi pressée, aussi virtuelle, avec une cadence aussi rapide? C’est immanquable, dès que je reviens de voyage, je me juge. Mais pourquoi tel choix, pourquoi tel autre… Cette fois-ci, c’est pire car je n’allais pas me prélasser dans le sud. J’allais me dépasser, physiquement et mentalement. Et ça me manque terriblement.

J’ai écrit à mon entraîneuse hier pour reprendre mon programme car ça me démange dans les jambes. Mais pas juste ça. J’ai besoin de sentir mon rythme cardiaque s’accélérer, j’ai besoin de m’épuiser, de vider mes batteries. J’ai besoin de ma dose d’endorphine et d’adrénaline. Je suis une accro, je l’avoue. Et là, le sevrage n’est pas nécessaire. Pas du tout.

Ça joue sur le moral, ça joue dans le cerveau. Je n’ai aucun doute sur les raisons pour lesquelles des médecins prescrivent l’activité physique à leur patient. Pas juste pour la haute pression ou le mauvais cholestérol. C’est assurément le meilleur antidépresseur qui soit. Ça te met un sourire dans la face, la fierté dans l’âme et du béton dans les cuisses alors qui dit mieux?

Reprendre sa vie, comme si rien n’avait changé, quand tu as marché longtemps et gravi des montagnes, c’est impensable. Je dois l’accepter et trouver une façon d’en faire quelque chose, d’en tirer le maximum de positif et de transposer mes apprentissages dans mon quotidien. C’est à ça que ça sert, se déraciner. On revient et on revoit ses bases, on ajuste notre vie à cette nouvelle conscience de soi.

Ne vous inquiétez pas, je vais bien. Mais je vais différente. Je vais comme quelqu’un qui sent sa vie se transformer, sans avoir une idée précise de la tournure des choses. Mais ça aussi, ça fait partie de l’apprentissage. Ne pas tout savoir et avancer quand même. Ne pas tout contrôler, tout analyser. Se laisser porter un peu et voir où ça mènera.

Je suis chanceuse. Je peux me permettre de voyager sans m’endetter pour des mois, je peux mettre sur pause ma vie sans grand impact, je peux choisir sur un coup de tête une nouvelle destination. Ça m’a pris du temps avant de mesurer cette chance. Mes amis qui ont des enfants me disent souvent d’en profiter mais je n’ai pas toujours l’angle pour le faire.

Pourtant, je sais au fond de moi qu’il y a un avant et un après Compostelle, qu’une brèche sur le monde s’est ouverte en moi et que je trouverai bien des projets pour combler ce désir de découverte. Plus jeune, mon père m’a transmis cet amour du voyage et du dépaysement. Il adorait partir et aller ralentir ailleurs. Écrire sur la terrasse d’un café parisien ou d’un bar argentin, ça faisait partie de ses activités préférées. Et j’aimerais bien tenter la même expérience, trouver des lieux inspirants qui stimuleront mon esprit et toucheront mon cœur.

Être une adulte, c’est exigeant et pas toujours réjouissant. Que ce soit par le sport ou le voyage, j’arrive à retrouver cette impression d’insouciance propre à l’enfance. Et j’ai toujours considéré comme une force cette capacité à retrouver son cœur d’enfant, à se laisser émerveiller et à ne pas se laisser submerger par les responsabilités. La vie est courte et il faut savoir en profiter. Alors, on repart quand?

 

Photo : Unsplash | NeONBRAND

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