Savoir s’arrêter

Gary Bendig

Depuis quelques jours, je filais le parfait bonheur, sur mon petit nuage de coureuse. Je dépassais mes meilleurs temps, je ne ressentais plus de lourdeur dans mes jambes, j’avançais avec l’impression que j’aurais pu courir des heures, sans fatigue ni douleur. Dans mon cas, c’était assez exceptionnel car, malgré tout le plaisir que je ressens à courir, j’ai souvent eu à me botter le derrière pour sortir ou même pour persévérer. Mais j’étais pleinement consciente que ça fait partie du processus et que c’est en général le cerveau, l’égo, qui est paresseux, plus que le corps.

Toutefois, j’ai découvert ces derniers jours que, malgré le désir de continuer sur cette lancée, je devais aussi m’écouter et savoir m’arrêter. Samedi, après une longue sortie pénible qui m’a fait ressentir toute sorte de douleurs « au bas du corps », j’ai compris que mon système me parlait, me lançait des signaux que je devais absolument entendre. Quand, au retour, j’ai dû m’asseoir, incapable de rester sur mon pied gauche, j’ai compris que j’avais poussé la limite un peu trop loin.

Pourtant, en toute honnêteté, mes derniers kilomètres n’ont pas été dans la torture, l’adrénaline aidant. Mais une fois à l’arrêt, c’était une autre paire de manches. Et j’ai su immédiatement que j’avais un apprentissage à faire, que je devais comprendre ce qui se passait. Comme une belle leçon de vie, mon corps tentait de m’enseigner une autre forme de lâcher-prise.

Aujourd’hui, après un repos bien mérité et une journée à cuisiner et savourer le fruit de mon labeur, je sais que c’est la meilleure décision que j’ai pu prendre. Annuler ma course d’hier, malgré mon envie de garder le cap, malgré mon orgueil et mon entêtement, c’est un peu nouveau pour moi. J’ai beau toujours tenter d’être connectée et à l’écoute, quand il s’agit de dépassement de soi, ce n’est pas toujours évident.

Mais savoir s’arrêter, c’est aussi se respecter. C’est décider de simplement reporter la progression et non pas retomber en bas de la pente. Est-ce que ça me déçoit ? Bien entendu! Mais je sais aussi qu’en continuant d’avancer aveuglément, ça pourrait devenir bien pire. Et au lieu de vouloir me débrouiller toute seule, j’ai fait appel à mon entraîneure, j’ai demandé de l’aide, j’ai levé la main.

Ça aussi, c’est une leçon de vie. Bien sûr, j’ai cherché sur Internet des réponses et surtout, des traitements maison pour dénouer la tension au pied qui me faisait souffrir. Mais j’ai aussi envoyé un courriel pour être accompagnée et guidée dans cette situation. Dans mon cas, ce n’est pas vraiment naturel ni inné. Que voulez-vous, la vie m’a faite ainsi. Mais aujourd’hui, je sais que ce n’est pas toujours bon de vouloir s’arranger en solo.

La vie nous envoie toujours des petites épreuves pour nous éduquer, nous amener ailleurs, nous montrer la voie. Dans mon cas, il m’arrive de ne pas l’écouter, de ne pas voir les signes et de perdurer dans un mauvais chemin. Par contre, j’ai l’impression que, de plus en plus, j’arrive à voir plus rapidement les messages. Lentement mais surement comme on dit…

On ne change pas du jour au lendemain et on doit avoir, envers soi-même, une empathie aussi grande que celle qu’on souhaite de la part des autres. Parfois, on sait qu’on est dans l’erreur et il est facile de s’auto-flageller. Mais, à mes yeux, il est plus important de s’arrêter et de se féliciter d’en voir pris conscience que de continuer à frapper le mur, dans l’entêtement. C’est peut-être cela qu’on appelle la sagesse. Peu importe, ce qui compte, c’est de s’améliorer, un pas à la fois…

 

Photo : Unsplash | Gary Bendig