Je vous ai déjà parlé de la série documentaire La cure, présentée à Télé-Québec, qui démontre le quotidien d’hommes dans une thérapie fermée pour faire face à leurs problèmes de dépendance. Honnêtement, c’est loin d’être joyeux mais c’est extrêmement touchant et criant de vérité. On les sent brisés mais sincères, on voit leur progression, leur échec aussi parfois. Mais c’est foncièrement humain et pas du tout arrangé. C’est la vraie vie, dans son expression la plus crue.
Dans l’épisode d’hier, un homme a prononcé une phrase et celle-ci est demeurée dans mon esprit, comme un bourdonnement : tout ce que tu fuis te suis, tout ce à quoi tu fais face s’efface. Ça prend une vie marquée par la douleur pour tenir de tels propos. Quand on a une existence légère et éloignée des coups durs, il peut être difficile de s’imaginer à quel point faire face peut représenter une montagne, un Everest insurmontable.
Mais savoir qu’ils ont fait souffrir des gens, qu’ils ont détruit l’amour qu’on leur offrait, qu’ils ont nui à leur entourage, qu’ils ont pu blesser, mentir et voler pour assouvir leur besoin de consommation, ça fait réaliser que l’humain peut descendre bien bas. Mais ce qu’il y a de beau dans tout cela, c’est qu’il peut aussi remonter à la surface.
C’est facile de fuir dans la vie, de se mettre la tête dans le sable, de faire semblant, de jouer une game. Et je pense qu’on le fait tous à un moment dans notre vie. Par réflexe de protection, par manque de courage pour affronter la réalité ou simplement parce que personne ne nous a enseigné à être honnête et à ressentir. Être authentique, être vrai, être humble, ça s’apprend, comme n’importe quoi. Et si on n’a pas, dans notre petit baluchon de vie, les outils et les facultés pour faire face à la musique, ça se peut qu’on soit en fuite constante.
On peut penser que certaines personnes sont nées dans un environnement défavorable et que c’est pour cela qu’elles plongent dans la déchéance. C’est sûr que si on part de plus bas, ça peut être difficile de monter. Mais il est faux de croire que, si on baigne dans un milieu aisé et qu’on est choyé par la vie, on n’aura jamais à se soucier des démons de la consommation. Un homme expliquait hier comment il a été happé par cette horreur : il a croisé la route d’un homme qui a fumé du crack devant lui, et qui lui en offert. Et il est devenu accro, instantanément, sur le champ. Pas de longue progression, pas d’escalade. En une minute, tout a basculé.
Et pourtant, il avait un bon emploi, était en couple et heureux. Mais, en une fraction de seconde, tout cela n’avait plus d’importance. Son cerveau a cliqué avec la drogue, a valsé comme jamais. Et la dépendance est entrée dans sa vie par la grande porte. Rien de tout cela ne pouvait être prédit par quiconque, rien ne laissait présager un tel déclin. Et, de voir cela, ça ramène les deux pieds sur terre, ça brasse la cage et ça démontre qu’on peut tous faire de mauvais choix, sans en mesurer les conséquences.
C’est aussi ça être humain : s’enfarger mais savoir se relever. Cesser de fuir pour enfin guérir ses blessures, se tenir debout, face au vent et savourer sa force plutôt que de se tapir en attendant que ça passe tout seul. Parce que, ça n’arrive pas ça. Rien ne se règle par magie, et plus on fait semblant, plus ça devient envahissant. Et un jour, ça finit par être tout ce que l’on est.
Si un homme qui a tout perdu et tout détruit autour de lui peut se relever et reconstruire sa vie, on peut tous le faire. Il suffit de prendre conscience, d’accepter ce qui ne va pas et d’oser le nommer, le regarder, le ressentir. Comprendre d’où vient notre blessure, se pardonner, s’aimer et avancer… Car se libérer de ses chaînes, ça donne des ailes!
Photo : Unsplash | Ray Hennessy