Le temps des récoltes

Markus Spiske

Je sais, en lisant le titre de mon billet, vous devez vous demander si je fais de la fièvre ou si j’ai décidé de m’expatrier dans un pays plus chaud. Mais non, je vous le confirme, je suis bel et bien au Québec avec une tonne de neige devant mes yeux et une température corporelle sensiblement normale. En fait, c’est que je fais référence aux récoltes personnelles et non pas maraîchères. Je parle de récolter le fruit de nos efforts, de nos introspections, de nos remises en question et des décisions qui s’en suivent.

On va se le dire, on travaille fort dans la vie, du moins dans la majorité des cas. Il y a des exceptions partout mais je ne m’attarderai pas là-dessus. Donc, on travaille fort, on se force, on bûche, on s’enfarge, on se relève et on continue. Et, à travers tout ce parcours à obstacles qu’est la vie, on apprend à mieux se connaître, on comprend nos bons vieux patterns, on en découvre les sources et on tente, de notre mieux, de faire en sorte qu’on casse le moule et qu’on s’améliore.

Et, parfois, on a l’impression de stagner, de ne pas avancer, d’être dans la vase jusqu’au cou. Mais ces moments de doute et de semblant de sur-place, ils sont cruciaux à notre avancement, à notre évolution. Car, c’est comme les arrêts de ravitaillement en course : ils permettent d’aller plus loin, de faire le plein. Puisqu’on ne peut pas être constamment en mouvement, toujours à l’affût, aux aguets pour le moindre changement à faire. Parfois, il faut se mettre sur le côté de la route et piquer un somme, pour être plus fort ensuite.

Ces temps-ci, j’ai pu expérimenter le fruit de mon travail sur moi, constater que je ne réagis plus comme je l’aurais fait il y a dix ans, même cinq ans. J’ai réussi, sans trop m’en rendre compte, à attendre un niveau de détachement et à me défaire de l’emprise très étouffante de l’anxiété. Je dis sans trop m’en rendre compte car j’ai longtemps eu l’impression que j’aurais un jour un genre d’épiphanie, que je me réveillerais un matin, transformée. Je sais, ça paraît exagéré mais j’image un peu pour le besoin de la cause.

Mais c’est comme si, avant, je savais que je n’allais pas bien, je savais que je devais changer des choses, régler des vieilles blessures, bref, faire un travail bien en profondeur mais je ne savais absolument pas comment m’y prendre. La montagne me paraissait trop grosse à monter. Mais, malgré tout, j’ai continué d’aller en thérapie, j’ai poursuivi ma route, sans réellement savoir la destination. Et finalement, à force d’avancer, j’ai gravi, petit à petit, le mont de mes démons.

Et, aujourd’hui, sans être arrivée au sommet, j’ai une plus belle vue sur ce que j’ai accompli, je peut constater le chemin parcouru, récolter le fruit de mon travail. Je dois vous avouer que ça fait franchement du bien mais que ça procure aussi un petit vertige. J’ai tout fait ça, moi? Wow! C’est bien la première fois de ma vie que je peux oser me dire bravo. Exigeante envers moi-même, j’ai souvent vu plus ce qui manquait pour arriver à 100% que les 80% que j’avais accompli…

On a tous nos petites victoires, nos petits pas en avant qui font une grosse différence, nos décisions difficiles qui, une fois assumées, ont eu un impact majeur sur notre vie. Mais c’est parfois très pénible de nommer sa fierté, de se féliciter sincèrement, de se donner l’amour que l’on mérite pour avoir pris soin de soi. Alors, je vous le partage ce matin en toute humilité. Soyez fiers/ fières de vous, appréciez votre route, c’est votre parcours personnel, celui qui vous représente et fait de vous un être unique. Il n’y a pas un chemin meilleur qu’un autre et, on le sait, ce n’est pas la destination qui compte. C’est la récolte que l’on fait et l’appréciation du fruit que l’on recueille qui importe. Et aujourd’hui, je vous le dis, je croque dedans à pleines dents, avec joie. Et ça procure un sacré plaisir!

P.S. Et oui, j’avais envie de nous redonner espoir avec une photo de jardin, de verdure… Le printemps va finir par arriver et avec lui, la nature reprendra ses droits et déploiera ses majestueuses couleurs! Ne perdez pas espoir!

 

Photo : Unsplash | Markus Spiske