En cette Journée internationale des femmes, j’avais un horaire ultra chargé (un horaire de ministre comme me disait mes collègues plus tôt). Et, ironiquement, je pensais à toutes ces batailles que les femmes ont menées pour nous permettre de travailler, de voter, d’avoir les mêmes droits que les hommes. Mais ça signifie aussi d’accepter les conséquences de cette égalité non acquise, la réalité de tout un chacun. Celle d’être dans le jus comme on dit, celle de faire partie d’un projet qui avance à vitesse grand V, celle du manque de ressources, de la surcharge et des tonnes de réunions de travail. Celle qui m’a empêché de publier mon article en début de journée, comme à mon habitude…
Être une femme en 2018, c’est beaucoup mieux qu’avant mais ce n’est pas encore parfait. Et aujourd’hui, avec tout ce qui s’est brassé dans les derniers mois, on sent que les femmes prennent leur place, qu’elles s’expriment et qu’elles osent davantage dénoncer et parler de leurs expériences. Mais en cette journée marquante, on constate qu’on peut aussi être épuisée de parler de la place des femmes, de rappeler les souffrances et mauvais traitements, de ressasser des histoires blessantes.
Ce qui est triste, c’est qu’on fait un cas de cette journée dans l’année mais les 364 autres jours ne semblent pas être aussi importants aux yeux de certains. Quand on voit les inégalités salariales, les commentaires désobligeants que les femmes entendent encore quand elles travaillent entourées d’hommes, quand on sait qu’elles se font refuser des promotions simplement parce qu’elles sont femmes, on peut se demander ce que ça change d’avoir une journée pour en parler si le lendemain, plus personne ne s’en soucie.
Des avancements, il y en a eu, certes. Mais je me souviens encore du temps où on me demandait de mettre mes atouts en valeur pour une présentation à un client sous prétexte que ça aiderait mon employeur à obtenir un nouveau contrat. Et naïve comme j’étais, jeune et perplexe, je faisais « cet effort » car je croyais que c’était normal, qu’ils avaient le droit d’agir ainsi. Aujourd’hui, quand je repense à cela, je m’auto-flagelle d’avoir été si innocente.
En tant que femme, on a aussi notre part de responsabilité, on ne peut pas mettre sur le dos des autres et de la société ce qu’on subit. On doit prendre la parole, oui mais aussi incarner le changement que l’on désire voir se produire. Oser être qui on est et qui on veut être, ça veut dire réfléchir à notre façon d’être, d’agir et de parler pour s’assurer qu’on ne fait pas perdurer des vieux réflexes, des vieux dogmes.
Je suis fière d’être une femme, fière d’être qui je suis, fière du chemin que j’ai parcouru. J’ai fait des erreurs, je n’ai pas toujours été à la hauteur de ce que je veux qu’on soit en tant que société mais c’est par ces erreurs que j’ai appris et que j’ai développé ma capacité d’analyse. Notre parcours nous construit et nous aide à voir ce que le futur représente pour nous. Ce futur, je le souhaite positif et inclusif. Un futur où chacun et chacune sera un humain, tout simplement.
Cette journée témoigne du chemin parcouru et du travail qu’il reste à faire, elle met en lumière les acquis et les incongruités. Et plus on creuse, plus on constate une panoplie de petits éléments froissants, d’injustices qu’on ne voyait pas avant. Ce qui est une bonne chose en soit car on doit voir ce qui ne fonctionne pas pour le corriger. Mais ça peut aussi donner l’impression que c’est pire que c’est… Comme on dit, tout est relatif!
Bref, je suis heureuse d’être qui je suis, et très contente d’habiter ici. Quand on se compare on se console et quand je vois dans la presse qu’en Arabie Saoudite, les cours de conduite pour les femmes commencent à peine, je suis particulièrement soulagée de ne pas vivre de la persécution permanente comme il se vit là-bas.
J’aimerais quand même que demain, la semaine prochaine, dans un mois, on soit encore en train de parler de la place qu’on accorde aux femmes, des droits et des barèmes qui nécessitent un ajustement. Il faut toujours demeurer alerte et ouvert d’esprit et ne pas hésiter à remettre en question les standards. Mais je garde la foi et j’ai confiance qu’ensemble on saura, au-delà des mots, poser les gestes qui feront la vraie différence.
Photo : Unsplash | Aman Ravi