Derrière le masque

Morgan McDonald

J’ai parlé dernièrement beaucoup d’être soi, de s’accepter et de cesser de tenter de correspondre aux standards de la société. Et ça m’a fait réaliser à quel point, collectivement, on jette un regard louche à tout ce qui dépasse ou détonne. Quelqu’un rit trop fort, qui parle trop vite, qui s’exprime plus que les autres, ou à l’inverse, quelqu’un qui reste dans son coin, qui ne fait pas de vague et qui ne donne pas son opinion : on juge. Mais on critique encore plus ceux qui font exprès pour être hors normes…

Je me souviens d’une époque où je voulais passer inaperçue mais être tout de même dans le coup. J’essayais de m’habiller pour qu’on apprécie ma tenue sans en faire trop, vous voyez le genre? Et, je me souviens surtout que je me maquillais dès mon lever, pour que le moins de personne possible puisse me voir sans cet artifice, sans ce masque. Car je me trouvais moins belle au naturel, j’avais l’impression qu’on allait me rejeter car je ne me mettais pas en valeur…

Je l’écris ce matin et je sens encore cette boule dans mon ventre, celle qu’il me faudra une vie pour soigner. Cette peur viscérale du rejet que presque tous les humains ont, même ceux qui dégagent une confiance en soi inébranlable. Car on veut tous être aimés, on veut tous que les autres nous incluent dans leur cercle, on veut tous, au fond, faire partie de la « gang ». Et, à un certain moment de ma vie, j’avais l’impression qu’un des critères, c’était l’image que je projetais, la couche de maquillage que j’arborais…

Les premières fois que je suis sortie de chez-moi au naturel, je me sentais nue et je regardais par terre. Ceux qui me connaissent se disent surement : ben voyons, ça ne se peut pas ça! Mais oui, je vous le dis, je n’étais pas aussi à l’aise, je n’avais pas la même facilité, je n’étais pas dans ma zone de confort. Je m’imaginais que les gens allaient me dévisager…

Vous vous doutez bien que rien de cela ne s’est produit, qu’on me parlait comme d’habitude, qu’on ne m’a jamais passé un commentaire à ce propos. Pourquoi? Car tout ça, c’était dans ma tête, après des années de fausses croyances et de jugement que je portais sur moi-même. Et oui, j’ai tendance à être dure avec moi, à m’en mettre beaucoup sur les épaules.

C’est quand j’ai commencé à courir que je me suis dit : là, ça suffit. Je me voyais mal devoir me maquiller pour aller courir pendant 45 minutes et revenir prendre ma douche… L’aberration de la situation, l’absurdité de la séquence que ça amenait à mon esprit a eu gain de cause. J’allais sortir en commando! Et encore là, je me sentais étrange, dénudée, incomplète même.

Mais j’ai persévéré et au bout du compte, je me suis libérée de cette chaîne que je m’étais moi-même attachée. Aujourd’hui, je choisis quand je me maquille au lieu d’en faire un automatisme. Je sais pertinemment que, pour certains, ça paraitra complètement futile mais on a tous nos comportements inadéquats et, à force d’évoluer, j’aime bien l’idée qu’on tente de les régler, lentement mais surement. Avec les années et l’expérience, on comprend qu’on peut être soi, sans demeurer dans des carcans qui ne nous conviennent pas.

Agir ainsi, en revanche, c’est s’exposer à certains commentaires, à certaines critiques malgré tout. J’ai souvent eu la discussion avec des amies qui ne portent que rarement du maquillage et souvent, elles m’avouent que c’est plus par manque de temps, et même qu’elles aimeraient pouvoir se pomponner tous les jours. Pourquoi? Car dans toutes publicités, émissions de télé ou interfaces que nous avons avec des gens dans un cadre officiel, on nous présente des femmes embellies, mises en lumière et ayant passées sous les mains des stylistes. Alors, au naturel, dans notre linge mou, on se sent moche, inévitablement.

On doit apprendre à moins se comparer, à moins se laisser manipuler par cette mascarade et comprendre que ces femmes, quand elles se lèvent le matin, elles sont comme nous, un peu bouffies, un peu ternes mais naturelles. Je crois qu’on doit se le répéter tous les jours pour contrer les effets négatifs que ça peut avoir sur notre estime de soi. Si vous avez déjà fait ce travail, tant mieux pour vous et je vous invite à diffuser votre message car beaucoup ne sont pas encore rendues là. On n’en parlera jamais trop… Il faut se rappeler constamment que nous sommes belles, bonnes, fines et capables ?

 

Photo : Unsplash | Morgan McDonald

Related Posts

Clem Onojeghuo Mettre la « switch à off » 30 mars 2017
Marc-Olivier Jodoin Montréal fait la belle 17 mai 2017