Se préparer à lâcher-prise

Priscilla Du Preez

Ça y est, j’y suis presque. Dans une semaine exactement, je mettrai les derniers éléments dans mon sac à dos et je prendrai la route vers l’aéroport. Depuis quelques jours, on me demande souvent si je suis stressée. Et je réponds systématiquement la même chose : pas stressée, excitée! Oui, bien sûr, il y a des courts moments où j’ai une mini-boule dans le ventre quand je pense à l’effort physique que je devrai faire, et surtout devant l’inconnu qui m’attend. Car, ne l’oublions pas, il n’y a pas si longtemps, j’étais une véritable boule d’angoisse sur deux pattes…

Et c’est sans doute ce qui me rend le plus fière d’avoir pris la décision d’embarquer dans cette aventure. Moi qui a pu être figée dans ma maison dans des moments d’anxiété sévère, qui s’est privée de sortir souvent parce que mes tripes se tordaient, moi qui avait peur d’avoir peur parfois… Aujourd’hui, en septembre 2018, je me concentre sur les derniers préparatifs d’un trip qui fera que je dormirai dans un endroit différent chaque soir, endroit que je ne connais pas d’ailleurs et que je découvrirai à mon arrivée sur place.

Pour vivre l’expérience à fond, j’ai même approuvé l’idée de se faire remettre une feuille chaque matin pour la destination du jour, afin de ne pas pouvoir voir à l’avance sur Internet les lieux visés par ce périple. Et quand j’y pense, j’ai un petit frisson. Je regarde en arrière, je regarde qui j’étais et je suis émue. J’ai l’impression d’avoir mué, d’avoir changé de peau, de m’être libéré de mes chaînes et de prendre mon envol, enfin.

Ce voyage, au-delà du défi physique et psychologique, en est un de liberté et d’accomplissement. Un long chemin a été parcouru en moi pour aller sur cette route mythique et faire face à ma vie. On dit souvent qu’il faut se libérer de ses blessures et se pardonner mais je pense qu’on doit aussi laisser aller beaucoup… S’accrocher à notre passé, ça ne fait que nous garder sur place, ça nous prive d’opportunités. Quand on décide consciemment de relâcher ces boulets qui nous tirent, on s’ouvre à tout un monde nouveau.

C’est donc remplie de fébrilité que j’entame ce dernier droit avant le grand départ. Je suis énervée comme une enfant à l’approche de Noël et je me prépare mentalement à être déstabilisée. Moi qui aime être en contrôle, je ne le suis aucunement et ça fait du bien dans un sens. Quand on trouve des gens de confiance, c’est grisant de lâcher-prise totalement et se laisser porter. Ça permet de savourer pleinement et d’être à l’écoute de soi, chose qu’on ne fait jamais assez…

Il y aura assurément des moments de doute et de découragement, un éclair de « veux-tu ben me dire kessé que je fous ici » et des sentiments mitigés qui se bousculeront en moi. Mais, j’accepte tout ça et j’y ferai face, au jour le jour. Devant chaque émotion intense, je tenterai de rester sereine car je serai là où je dois être. Je ne sais pas si j’aurai envie d’écrire ou simplement de vivre le moment. Je verrai en temps et lieu…

Tout ce que je sais, c’est quand je pars, et quand je reviens. Et que je vais marcher, vraiment beaucoup! Je suis prête. J’aurais pu en faire plus, m’entraîner davantage, faire plus de musculation, de yoga, d’étirements… On peut toujours faire plus en fait. Mais j’y vais ainsi, avec mon bagage interne et mon matériel sélectionné avec soin. J’oublierai surement quelque chose (c’est toujours ainsi, peu importe où je vais) mais tout s’achète sur le chemin.

En revanche, je sais que je ferai de mon mieux et que c’est ce qui importe. Je laisserai ma routine d’ici quelques temps, je décrocherai de tout, je ferai confiance à la vie et je mettrai un pied devant l’autre. Ce sera ma mission, mon mantra, mon rythme… Et il sera celui du jour, de l’heure, de la minute. Aucun contrôle, simplement être là et prendre le pouls de la vie, en moi et autour de moi. C’est suffisant, non?

 

Photo : Unsplash | Priscilla Du Preez