Quand nos jeunes souffrent en silence…

Carlos Martinez

Ce matin, j’ai éprouvé beaucoup de tristesse en lisant les nouvelles, sagement assise dans le métro. Bon, évidemment le décès de David Bowie m’a profondément attristé car j’ai toujours aimé cet artiste au talent indiscutable et à la folie créative légendaire. Mais ce qui m’a touchée droit au cœur, c’est de lire le dossier sur l’anxiété au CÉGEP qui fait des ravages. Étant moi-même une personne souffrant de ce mal sournois, je peux fort bien imaginer que ces jeunes adultes puissent vivre une détresse hors du commun, et ce, en silence. Car on va se le dire, on ne s’en vante pas quand on est rongé de l’intérieur et qu’on perd le contrôle sur soi-même.

Passer du secondaire au niveau collégial, d’un endroit où l’on te tient presque par la main à un environnement où tout à coup tu es responsable de tout, ça peut être très anxiogène pour les cégépiens. Est-ce le résultat de la réforme qui n’a jamais vraiment donné les résultats escomptés et qui, à force de trop vouloir faire réussir les élèves et de changer les méthodes d’évaluation, a fini par les laisser à eux-mêmes sans les ressources nécessaires pour y parvenir?

Les exposés oraux sont souvent une source de stress chez les étudiants mais à une époque où tout peut finir sur Facebook en moins de deux, où l’intimidation est monnaie courante, où les jeunes sont nombreux à travailler près de 20 heures par semaine pour payer leurs études et leurs dépenses, on peut se demander si on n’est pas en train de créer une génération qui a perdu le nord. On parle de plus en plus de trouble d’apprentissage, de TDAH, de trouble anxieux et de toute sorte de syndromes et de malaises chez les enfants mais a-t-on vraiment mesuré les conséquences et les sources de tout ce chamboulement?

Quand je lis qu’entre 2007 et 2013, le nombre d’élèves en situation de handicap a augmenté de 770%, je me pose de sérieuses questions. Et quand on parle de handicap, c’est majoritairement des troubles d’apprentissage, de santé mentale et de déficit de l’attention. C’est ce que je considère comme un problème majeur. On a retiré des écoles psychologues et infirmières et les enseignants se retrouvent en première ligne pour gérer ces cas de plus en plus nombreux sans avoir la formation requise pour le faire. Comme on dit, ils font de leur mieux mais ils n’ont jamais reçu les outils nécessaires pour prendre le relais.

Qu’adviendra-t-il de ces jeunes une fois sur le marché du travail? Combien d’entre eux abandonneront l’école car le stress les empêchera d’aller au bout? La société ne devra-t-elle pas compenser ce dérapage collectif autrement? Quand on décide que nos jeunes sont moins importants, c’est une fois adulte qu’ils finissent par avoir besoin de soutien et on paye de toute façon. Alors honnêtement, les coupes dans le milieu scolaire, c’est de la poudre aux yeux. On enlève du budget de l’éducation pour embourber le système de santé, l’aide sociale et les organismes d’entraide, qui eux aussi se font serrer la ceinture.

Est-ce vraiment là qu’on est rendu? À sacrifier nos jeunes pour que le budget soit mieux équilibré? Pour moi, ça ne fait aucun sens. L’anxiété que ces étudiants vivent aujourd’hui les suivra toute leur vie. Ce n’est pas passager, ça s’immisce au plus profond de la personne pour refaire surface quand on ne s’y attend pas. Quand ils craqueront au bureau sous la pression lorsqu’un deadline approchera, lorsqu’ils seront en arrêt de travail et que la société leur payera du chômage… On se trouvera bien insouciants de ne pas leur avoir donné les outils et le support nécessaire lorsqu’ils apprenaient ce que c’était que de passer à l’âge adulte. Les parents font leur part mais leur milieu de vie, c’est l’école, le CÉGEP, l’université. Ça serait franchement souhaitable qu’il y ait un accompagnement et une sensibilisation pour éviter des soucis qui entraveront toute leur vie. L’école ce n’est pas seulement une matière à assimiler, un examen à passer et un programme à terminer.

Je nous souhaite que plus de projets pilotes voient le jour pour outiller le personnel scolaire et que le gouvernement s’ouvre les yeux sur cet enjeu important et qu’il investisse dans les programmes d’aide et d’intervention. Ce sont ces adultes émergents qui constituent l’avenir, c’est à nous d’en prendre soin.

 

Photo : Unsplash | Carlos Martinez

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