Être numéro un dans notre coeur

Steinar La Engeland

Ce matin, c’est lundi confession… Alors, voilà, je me lance : je suis moumoune de l’œil, feluette de la pupille. Que voulez-vous, je regarde un oignon et je pleure, même pas besoin d’y toucher. Mes yeux sont tellement faibles qu’ils ne sont même pas certains de leur couleur alors… Ça vous dit leur manque de virilité!

Hier, je cuisinais un macaroni « avec pas de viande » et de bons légumes. (Petite parenthèse ici : le sans-viande style italien, c’est vraiment de la bombe et au moins dix fois moins gras que le bœuf. Les sceptiques seront confondus!) Mais bref, tout ça pour dire que dans ma recette, ben il y a un oignon haché. Un petit là, tout ce qu’il y a de plus inoffensif. Mais pour mes yeux à moi, c’est une montagne, une épreuve olympique. Ils virent fous à la minute où la lame de mon couteau entre en contact avec le bulbe, c’est immanquable. En fait, même des échalotes grises me font pleurer alors…

Et chaque fois, je me dis : bon ça va aller on va faire ça vite… Mais non, je me retrouve à pleurer comme une madeleine, à sacrer comme un charretier et à prier le bon dieu pour que ça arrête de chauffer. Honnêtement, je ne sais pas comment ont fait nos grand-mères pour en couper autant quand elles avaient des familles de douze enfants.

Pourquoi je vous raconte cette anecdote pour le moins banale et innocente ce matin? Parce qu’il n’y a pas si longtemps, j’étais incapable de rire de moi, d’avouer mes petits travers, de faire preuve d’autodérision. La peur du jugement des autres me terrifiaient et je fuyais comme la peste toute situation qui pouvait me ridiculiser, me faire paraître plus ou moins nounoune ou qui exigeait des pitreries. En fait, même commencer un nouveau sport m’effrayait car à mes yeux, j’aurais dû y exceller dès la première minute et l’idée de ne pas y arriver me terrorisait.

Ça m’a pris des années de désensibilisation et d’essais-erreurs dans des domaines anodins pour comprendre qu’on a chacun nos forces et nos faiblesses et surtout, que personne n’est bon en tout. Alors maintenant je sais que je peux essayer quelque chose de nouveau et me planter royalement sans que ça ne me réduise à néant. Ou tout simplement, tenter une nouvelle expérience et ne pas aimer ça. Me donner le droit à l’erreur mais aussi au choix. Ce n’est pas parce que je fais preuve de curiosité envers quelque chose que ça représente un engagement pour la vie.

Et parfois, des situations de la vie nous arrive, on fait des rencontres, on participe à des activités… Et ça peut arriver qu’à un moment, on ne soit pas à notre meilleur, on ne brille pas  ou même on fait une grosse bourde. Et bien vous savez quoi? On n’en meurt pas! Je sais, pour certain, c’est complètement acquis et ils se demandent pourquoi je perds mon temps à en parler… Je vais vous dire : vous pouvez arrêter de lire ici, ça ne me dérange pas du tout. Mais pour les autres qui, comme moi, n’ont pas nécessairement appris la confiance en soi et l’autodérision, c’est un monde à découvrir.

Combien de fois me suis-je sentie déphasée par rapport aux autres, pas à ma place, l’intrus dans la pièce, la fille complètement hors champ… J’avais l’impression que TOUT le monde était parfaitement en phase avec le lieu et l’heure sauf moi, comme si j’avais atterrie dans ce monde il y a quelques minutes et que je n’y comprenais rien. Un genre de version québécoise du film Les visiteurs.

Et après plusieurs années à me questionner sur le « mais qu’est-ce qui ne va pas chez-moi », j’ai fini par comprendre que la majorité des gens ressentait la même chose mais portait le masque de la parfaite personne pour éviter de détonner. Eureka! Je me suis mise moi aussi à porter ce masque! Pour finalement me rendre compte que je n’étais pas plus heureuse… Et que je préférais être moi-même, au risque de sortir du lot et de ne pas cadrer, ne pas entrer dans le moule qu’on m’avait réservé. De ne pas être la numéro 1…

Mais malgré tout, aujourd’hui, je préfère cent fois mieux être qui je suis, avec mes petits travers et mes failles que de tenter d’être celle que je ne suis pas. Alors oui, je pleure rien qu’en voyant un oignon, j’ai tout un caractère, je suis parfois entêtée, mais aussi passionnée, énergique et volubile. J’aime la vie, les gens, la nature et la musique. Mes goûts ne sont pas ceux des autres, et chacun a droit d’être qui il est. Si on était tous pareils, ce serait d’un ennui mortel de toute façon, ce serait prévisible et sans surprise. Et ça donne quoi d’être le numéro 1 que tout le monde admire si on est pas heureux dans notre coeur? Ça sert à quoi de vouloir ressembler à tout le monde si, en dedans, on est personne? La différence, c’est ce qui fait la beauté du monde…

 

Photo : Unsplash | Steinar La Engeland

 

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