La saison du tout permis

Scott Webb

J’ai des souvenirs de mon enfance qui me reviennent ces temps-ci, où je courrais dans les champs, où je passais la journée dehors et je revenais à la maison, sale de la tête aux pieds mais un grand sourire aux lèvres. On allait au chalet et personne ne nous surveillait à outrance, on se faisait des cabanes dans le bois, on nageait jusqu’à l’île, on sautait partout, on vivait notre vie sans contrainte, comme si tout était permis.

Loin de moi l’idée de reprocher quoi que ce soit aux parents d’aujourd’hui, je serais bien mal placée pour le faire, moi qui n’en a pas eu, mais il me semble que le monde d’aujourd’hui est un peu aseptisé et contraignant, non? On dirait que les compagnies se sont fait un malin plaisir à semer dans l’esprit des gens toute sorte de dangers irréels pour leur vendre plus de cochonneries, comme si tout à coup, le monde était devenu si dangereux que ça prenait 82 protections pour mettre un pied dehors.

Pour moi l’été, ça a toujours été synonyme de liberté. Tout d’abord, on n’a pas à mettre manteau, foulard, gants et bottes avant de sortir. C’est vaporeux, dans notre tête comme dans nos vêtements. Même une averse surprise est tout à coup moins dérangeante. Les repas aussi sont souvent plus légers, les légumes remplissent les assiettes et le barbecue se fait aller. On marche dans les rues et on sait qui soupe tôt par les odeurs de grillades. On entend les enfants jouer dans les piscines et rire à gorges déployées, oubliant la chicane du matin à propos du pot de confiture.

Les vacances à organiser, les grandes fêtes à préparer, tout cela se fait dans une ambiance joyeuse et un peu bordélique. On dirait que les traineries nous dérangent moins dans la maison puisqu’on vit dehors, dès qu’on le peut. On en profite pour faire des petits travaux sur la demeure, pour tenter de mettre fin à cette liste interminable de trucs à arranger (et ça n’arrive jamais, mais ce n’est même pas grave).

Il y a aussi les soirées autour du feu pour chasser les moustiques et se rassembler, tout simplement. S’il y a le moindrement un guitariste dans la gang, ça chante et ça rêvasse, se rappelant les vieux succès de Beau Dommage et de Plume. Les soirées pluvieuses, on joue aux cartes ou on déniche de vieux jeux de société empoussiérés donc on ne se souvient plus des règlements.

On fête le Québec, et peut-être le Canada, on aide des gens à déménager, parfois qu’on ne connaît même pas, on fait les ventes de garage pour fouiner un peu, on savoure les fruits et légumes de chez-nous, cueillis le matin même, on cuisine avec des fines herbes de notre jardin, et tout nous paraît simple et agréable.

L’été au Québec, c’est le bonheur, c’est doux, c’est joyeux, c’est sympathique. On est accueillant, on a envie de faire la fête et de savourer chaque minute des journées ensoleillées, de faire la farniente, de regarder le temps qui passe. Oui, il y aura les bouchons de circulation, le festival des cônes oranges, et surement quelques drames de toutous perdus et de seau percé. Ça fait partie du lot et on le sait mais avec notre petit bonheur dans notre poche, on affrontera tout cela de façon plus zen.

Parce qu’au Québec, on attend l’été comme d’autres attendent le messie. Parce qu’ici, la saison chaude, malgré les moustiques et les coups de soleil, c’est notre saison d’air pur et de festivals extérieurs. On profite de la vie au maximum, on fait le plein de vitamine D et on sait, au fond, que c’est la saison où les limites s’élargissent. Permettons-nous d’être heureux, accordons-nous ce droit à ne pas se laisser décourager par les mauvaises nouvelles. Parce que l’été, tout est permis… même de rêver!

 

Photo : Unsplash | Scott Webb

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